Non à une taxe pseudo-écologique et anti-sociale

Le 8 mars prochain, le peuple suisse se prononcera sur l’initiative des Vert’libéraux pour le remplacement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par une taxe massive sur les énergies non renouvelables. Troquer un impôt sur la consommation par un autre impôt indirect, qui inciterait à réduire l’utilisation des énergies fossiles, l’idée pourrait paraître séduisante. Toutefois, ce texte soulève des objections majeures qui ont incité la Coordination interrégionale de solidaritéS à opter pour le NON.

Initialement, le produit de ce nouvel impôt devrait compenser l’abolition de la TVA. L’initiative prévoit également une modulation de cette taxe selon le bilan écologique global des énergies considérées. Enfin, pour ne pas pénaliser les producteurs locaux par rapport aux biens importés, dispensés de ce prélèvement, les Vert’libéraux prévoient d’imposer l’énergie grise. Ils ne disent pas comment ils calculeraient une telle taxe, ni comment ils épargneraient les exportations. Compte tenu de son caractère très approximatif, il ne semble pas que les initiant·e·s aient pris leur texte très au sérieux. Ne l’auraient-ils lancé que comme faire-valoir pour les élections fédérales de l’automne 2015 que cela ne nous étonnerait pas.

Nous sommes certes pour l’abolition de la TVA, dont les taux ne tiennent pas compte des revenus et de la fortune des individus, et pour son remplacement par une hausse de l’impôt fédéral direct. Toutefois, la nouvelle taxe sur l’énergie ne changera rien à cette inégalité, bien au contraire, puisqu’elle ne prévoit même pas de taux réduits pour les besoins essentiels (alimentation, chauffage, transports). Rappelons que la TVA connaît trois taux différents : 8 % dans la norme, 3,8 % pour le tourisme et 2,5 % pour l’alimentation, les imprimés et les médicaments. Pourtant, la possibilité de réduire sa consommation d’énergie n’est pas la même pour tous les ménages : par exemple, les ha­bi­tant·e·s de bâtiments « bas de gamme », mal isolés, verraient leur facture de chauffage exploser, tandis que les propriétaires de villas à la norme Minergie en seraient quasi exemptés. 

Le produit de la nouvelle taxe devrait remplacer la TVA, soit 22,2 milliards (chiffres 2012). Les ini­tiant·e·s calculent ainsi que les prix des énergies non renouvelables seraient majorés de 75 %, mais ils sont incapables de dire comment une telle hausse se répercuterait sur les différents postes de la consommation des ménages. En revanche, ils·elles postulent que la suppression de la TVA bénéficierait intégralement aux con­som­mateurs·trices, ce qui est évidemment peu probable, étant donné l’aptitude des producteurs et des distributeurs à profiter de telles occasions pour accroître leurs marges. 

En réalité, nul n’est en mesure d’assurer que l’augmentation massive du coût des énergies non renouvelables ne provoquerait pas une nouvelle hausse des inégalités sociales, ce qui ne préoccupe pas beaucoup les Vert’libéraux. Qui peut dire en effet quel en serait l’impact sur le budget des ménages à bas et moyens revenus ? De même, ses effets sur les finances des cantons ne sont pas discutés, alors que ces derniers n’auraient plus la compétence de prélever de taxes sur l’énergie. 

Inciter à économiser les énergies non renouvelables et abolir la TVA, voilà deux objectifs louables. Pour être largement soutenu, le premier supposerait cependant des mesures qui contribuent également à la réduction des inégalités afin de ne pas opposer lutte contre le réchauffement climatique et justice sociale. Par exemple, pourquoi ne pas préconiser un programme public d’isolation des bâtiments financé par les propriétaires immobiliers, l’encouragement massif des modes de transport moins polluants au détriment de la voiture et du camionnage, la gratuité du bon usage de l’énergie et la taxation progressive de son mésusage (gros consommateurs au-delà de certains seuils), etc. ? L’initiative proposée ne vise malheureusement pas de tels objectifs. 

 

Aude Martenot