Sinistrés des Tattes

Sinistrés des Tattes : Mouvement de solidarité avec les requérants d'asile

Constatant les conditions de vie dans lesquelles sont contraints d’exister les habitants du foyer pour requérants des Tattes à Vernier, un groupe de solidarité est né. Son but : dénoncer la manière dont les autorités font vivre ces personnes, suite à l’incendie en novembre, mais aussi les conditions dans les abris de protection civile (PC) et les foyers du Canton.

En novembre 2014, le Bâtiment I des Tattes a connu un événement avec de graves répercussions. Un incendie prenait au piège les résidents, causant une mort et blessant une quarantaine de personnes (dont deux aujourd’hui paraplégiques), souvent à la suite des défenestrations. Au total, 189 personnes ont été délogées. Cet incendie n’est pas le premier dans ce lieu, conduisant les groupes de soutien aux requérants à s’interroger sur les conditions de sécurité dans les foyers.

Lors de la tragédie, le foyer des Tattes est déjà suroccupé. Réservé aux hommes placés au régime de l’aide d’urgence et aux demandeurs d’asile, il est prévu pour 500 habitants. En fait, 685 personnes y résidaient, avec des chambres pour deux occupées à quatre. Cet entassement, en plus de rendre la cohabitation pénible, a accru les difficultés d’organisation de l’évacuation. Deux mois après, le Ministère public genevois a été sollicité pour déterminer les causes et responsables de l’incendie, mais aucune justice n’a été rendue aux victimes souvent traitées comme fautives par les autorités.

Un accident révélant de graves dysfonctionnements

 

Un défaut de mesures de sécurité a été établi par l’avocat des victimes Pierre Bayenet, et le rapport du Services d’incendie et de secours confirme plusieurs problèmes techniques du bâtiment. Portes bloquées, fenêtres condamnées, pas d’exercice d’évacuation préventif et une alerte donnée trop tard ont permis au feu de faire des ravages avant l’arrivée des pompiers. Ces derniers le disent, ce sont ces raisons et non la panique des ha­bi­tants, qui expliquent les conséquences. Mais ce constat peine à être admis publiquement, comme la dénonciation des pratiques de l’Hospice général qui veut minimiser ses responsabilités et rejeter la faute sur les requérants.

Notre camarade Pierre Vanek, député, déposait en décembre une question au Grand Conseil, demandant l’ouverture d’une enquête administrative pour établir les responsabilités de l’Etat et de l’Hospice dans l’incendie. Pas de soutien psychologique aux sinistrés, mauvaise prise en charge à déplorer et transmission inexistante des informations aux victimes… Pierre Vanek a aussi mis en cause la précipitation avec laquelle les résidents ont été poussés à signer une renonciation à toute indemnisation contre versement immédiat de 250 à 500 francs alors que le bâtiment était assuré. Enfin, il a exigé l’arrêt du renvoi des victimes, une d’entre elles ayant déjà été expulsée par vol spécial alors qu’elle marchait encore avec des béquilles…

En réponse, le Conseil d’Etat annonce qu’aucune enquête n’a été lancée, que les indemnités correspondent aux biens détruits et qu’une réparation ne sera envisagée que quand les responsables seront déterminés. Aucune suspension de renvois n’est prévue par le gouvernement, qui se justifie d’avoir expulsé un blessé au prétexte qu’il était apte au voyage aérien.

A la suite de l’incendie, nombre d’habitants du foyer ont été relogés dans des abris PC aux conditions de vie effroyables. D’autres ont trouvé refuge chez des proches. Pourtant, alors que certains des habitants ont pu regagner le centre, rien n’a été amélioré en termes de sécurité. Fort de ce constat, un comité de solidarité avec les sinistrés des Tattes s’est créé pour aller à leur rencontre (contact : solidaritetattes@gmail.com).

 

 

Solidarité avec les sinistrés

 

Lors de cette rencontre, un besoin urgent s’est manifesté de s’organiser pour agir face aux diverses lacunes quant au suivi de la catastrophe, mais aussi face aux conditions de vie dans les foyers en général. Une assemblée générale s’est tenue le 25 janvier en présence de requérants d’asile (des Tattes et des abris PC) et de personnes intéressées à les aider et à dénoncer la situation. A cette occasion, des informations ont été transmises aux victimes par la Coordination asile et par l’avocat Bayenet. Mais surtout, des séances de discussion en groupe ont permis de relever des points problématiques cruciaux dans les situations de logement des requérants.

Les problèmes à la suite de l’incendie ont été relevés (pertes matérielles, dégâts physique et psychologiques), mais aussi un climat de peur face aux mauvais traitements de la police, des responsables de la sécurité et de l’accueil dans les centres. A quoi s’ajoutent les mauvaises conditions de logement (matériel insuffisant et dégradé, entassement) qui augmentent les tensions entre les exilés et participent au sentiment de perdre pied et de colère des résidents face à ce traitement.

Enfin, trois groupes d’actions ont vu le jour. Le premier se centre sur l’accompagnement psychologique des victimes. Le second vise à « abattre le mur » érigé entre de­man­deurs·euses d’asile et Ge­ne­vois·e·s via plusieurs actions de proximité. Le troisième groupe entend dénoncer les conditions de vie dans les foyers et abris PC du Canton, par le biais d’une lettre ouverte, d’une expo-photo ou encore d’un film. L’association stopbunkers a en outre déposé une lettre le 26 janvier à l’Hospice, dénonçant les conditions de logement en abri PC. En effet, près de 150 personnes vivent aujourd’hui sous terre, dans des conditions de promiscuité, d’hygiène, alimentaires et de sommeil scandaleuses. 

Comme un demandeur d’asile l’a dit : «être sans-papier c’est être sans bouche, on ne peut pas se faire entendre». C’est maintenant à la population genevoise de dénoncer l’inaction des autorités et de faire cesser ces inhumanités. 

 

Aude Martenot