France

France : Désaveu des partis gouvernementaux et FN en progression

Dimanche dernier, 22 mars 2015, les résultats du premier tour des élections départementales étaient présentés comme une victoire de la droite institutionnelle et de ses alliés, dont on soulignait la solidité électorale. Les chaînes de télévision relevaient la baisse du taux d’abstention (49,83 % contre plus de 55 % pour les élections cantonales de mars 2011) et la subséquente « résistance inattendue » de la gauche. Mais surtout, on insistait sur le fait que le score réalisé par le FN était bel et bien en-dessous des projections qui l’avaient placé en tête, à 30 % des intentions de vote.

 

Les résultats des partis gouvernementaux pouvaient apparaître ainsi comme « honorables », rapportés aux pronostics préélectoraux.  Cependant, si l’on part des résultats globaux réels, et que l’on suit Fabien Escalona (Mediapart, 24 mars 2015), le total des « gauches », soit du Parti socialiste (PS), du Parti communiste français (PCF), du Front de Gauche (FG), du Parti de gauche (PG), de l’Union de la gauche (UG), du Parti radical de gauche (PRG), de divers gauche (DVG) et de Europe écologie les verts (EELV), avec 36,3 % des voix, n’a jamais été aussi faible dans ce type d’élections au cours de la Ve République. La droite (UMP, UDI, Union de la droite), avec 36,4 % des votes se place certes en première position, mais ses résultats sont historiquement faibles. Le grand vainqueur demeure donc le FN, qui fait un score exceptionnel pour ce type d’élections (25,2 %), marquant par là le renforcement de son emprise sur des franges croissantes de la société française et sur un domaine territorial toujours plus large.

 

 

Le tripartisme imparfait 

 

Selon le politologue Gérard Le Gall, il est vrai que les élections départementales ont toujours sanctionné les partis gouvernementaux (Le Monde, 24 mars 2015). C’est du moins ce que l’analyse des résultats, depuis la crise pétrolière, semble dessiner. Néanmoins, aujourd’hui, on assiste à la naissance d’une nouvelle carte politique de la France, où le FN s’installe dorénavant comme le troisième parti du pays. Le « tripartisme » est ainsi aujourd’hui sur toutes les lèvres pour rendre compte de cette réalité. Même si le FN n’est pas (encore) en position de prendre le pouvoir au plan national, il est en bonne voie de « nationalisation » de sa base électorale. 

En effet, les résultats de dimanche montrent des percées importantes du FN dans des régions qui étaient jusque-là « imperméables à son discours », et ce y compris dans des zones réputées « aisées », comme Chantilly dans l’Oise. Cette nouvelle donne est particulièrement significative si, comme le souligne le politologue Joël Gombin, il s’agit bien d’une «forme de stabilisation, voire de tassement dans les territoires les plus périphériques, les plus ruraux, les plus populaires», et d’une progression significative dans «un certain nombre de territoires plutôt aisés, urbains ou périurbains» (Le Monde, 25 mars 2015).

La démobilisation de l’électorat de la gauche institutionnelle, mais aussi de celui de la gauche antilibérale (parmi lequel celui de la gauche anticapitaliste), pour des raisons différentes, ainsi que la dynamique du vote à droite, que capitalise toujours plus le FN, semblent confirmer une « décomposition sociopolitique » du « peuple de gauche ». Cette décomposition est liée à la désorientation et au désespoir croissants du monde du travail et des quartiers populaires, dans un contexte de crise sociale et politique généralisée ; une crise à laquelle la gauche de gauche peine à donner des réponses tant en termes d’horizons que d’organisation politiques. 

 

Stefanie Prezioso