Eduardo Galeano

Eduardo Galeano : «Cette terre méprisée que je porte en moi»

 

Lorsque dix ans après sa parution en espagnol, Les veines ouvertes de l’Amérique latine, l’ouvrage phare d’Eduardo Galeano, parut en traduction française en 1981, ce fut un choc. Jamais la dénonciation rigoureuse du pillage de l’Amérique latine et de ses ressources matérielles et humaines n’avait été ainsi exposée. Réquisitoire implacable, l’œuvre de l’Uruguayen contenait déjà le style, l’humour et le sens de la formule qui marqueront ses futurs écrits. Ainsi, parlant de la nécessité pour Cuba de se doter d’une défense nationale : «la révolution est contrainte de dormir les yeux ouverts, ce qui économiquement parlant lui revient très cher». Ou encore à propos des élites locales : «Nos bourgeois sont, à l’heure actuelle, les commissionnaires ou les fonctionnaires des compagnies étrangères toutes-­puissantes. On doit à la vérité de dire qu’ils n’ont jamais rien fait pour mériter une autre destinée.»

Proche du Parti communiste, E. Galeano sera emprisonné en 1973 à la suite du coup d’Etat militaire, et devra ensuite s’exiler en Argentine, puis en Espagne. Il ne retournera à Montevideo qu’en 1985.

Journaliste, essayiste, militant, poète Mémoire du feu»), il regroupera ses articles consacrés au foot – autre passion – dans Football, ombre et lumière, expliquant : «Je voulais devenir footballeur, mais je jouais comme un pied. Alors, j’ai décidé de faire avec les mains, ce que je n’arrivais pas à faire avec les pieds».

Celui qui se définissait comme «un écrivain qui souhaite contribuer au sauvetage de la mémoire volée à l’Amérique entière, mais plus particulièrement à l’Amérique latine, cette terre méprisée que je porte en moi», ne focalisait pas son regard sur ce seul coin de terre, apportant par exemple son soutien au peuple palestinien.

Succombant le 13 avril à un cancer du poumon qui le rongeait depuis huit ans, Galeano nous a laissé une dernière énigme : «Quand j’étais enfant, je croyais que tout ce qui se perdait se retrouvait sur la lune. Et puis les hommes ont marché sur la lune, et on m’a dit qu’il n’y avait pas d’objets trouvés sur la lune en provenance de la Terre. Ça voulait dire que sur la lune ne se trouvaient pas les rêves brisés, les promesses trahies, les illusions perdues… Alors, je pose la question, s’ils ne sont pas sur la lune, où sont-ils ?». DS