Initiative bourses d'étude

Initiative bourses d'étude : Un premier pas contre la précarité étudiante

Le 14 juin prochain, la population est appelée à se prononcer sur l’initiative fédérale des bourses d’étude déposée en 2012 par l’Union des étu-diant·e·s de Suisse (UNES), forte de 115 000 signatures.

Le texte soumis au vote propose deux éléments centraux : le transfert de la compétence en matière de législation sur les bourses des cantons vers la confédération afin de permettre une harmonisation au niveau national, ainsi que l’inscription dans la loi du principe selon lequel «les aides à la formation garantissent un niveau de vie minimal pendant toute la durée d’une première formation tertiaire reconnue». Ce dernier point devant assurer que le nombre et le volume des bourses augmentent en cas d’acceptation de l’initiative. 

L’UNES estime qu’il faudrait accroître d’environ 500 000 francs l’enveloppe annuelle des bourses pour garantir la moitié des dépenses quotidiennes de 20 % des étu­diant·e·s des Hautes écoles. Cette initiative a le mérite de lancer un débat salutaire sur la situation des étu­diant·e·s en Suisse, débat qui soulève des questions aussi bien sociales que démocratiques. 

 

 

Un système fortement  inégalitaire

 

La Suisse ne consacre que 5 % de son PIB à l’éducation et ce chiffre est en baisse depuis plusieurs années. On constate parallèlement une augmentation du coût des études (notamment via des frais « secondaires » comme l’achat de livres, mais aussi en raison d’augmentations des taxes dans de nombreux établissements) et une réduction du montant des aides octroyées aux étu­diant·e·s, le volume des bourses ayant diminué de 25 % depuis 1993.

Cette situation alimente une forte reproduction sociale et l’on constate par exemple que seule une petite minorité d’étu­diant·e·s (9 %) n’ont pas de parents ayant effectués d’études post-obligatoires (La Brèche mai-juin 2015). Ceci n’est pas dû uniquement aux dépenses, de nombreux facteurs entrent en jeu, mais il est certain que les coûts engendrés par une formation supérieure constituent un frein important pour les personnes issues des classes les plus modestes. 

Malgré ce premier tri sélectif, la précarité étudiante demeure une réalité largement répandue en Suisse. Les chiffres publiés par l’Office fédéral de la statistique nous livre un tableau édifiant de la situation dans un pays parmi les plus riches du monde. Les inégalités au sein des étu­diant·e·s sont extrêmement importantes et très fortement liées à l’activité des parents. Cette situation impacte fortement le parcours d’étude. Ainsi l’obligation d’exercer une activité rémunérée est la cause de 24 % des arrêts définitifs d’étude, soit sensiblement au même niveau que les échecs aux examens (25 %). 75 % des étu­diant·e·s ont une activité rémunérée et le temps dévolu à celle-ci se fait principalement au détriment des études.  Lorsqu’elle n’entraîne pas l’arrêt du cursus, cette situation engendre bien souvent une prolongation de celui-ci, ce qui fragilise encore la situation des étu­diant·e·s précaires. La main d’œuvre étudiante, concentrée dans des secteurs –hôtellerie et restauration – disposant de peu de protection, est en outre bien souvent utilisée pour pratiquer un dumping salarial important. 

 

 

Notre objectif : la gratuité des études !

 

L’initiative de l’UNES, si elle était acceptée, constituerait un premier pas dans la lutte contre la précarité étudiante. Sans trop de surprises cependant, le Conseil fédéral ainsi que les deux chambres ont appelé à rejeter le texte prétextant notamment une atteinte au sacro-saint fédéralisme. Il faut noter que le système actuel, qui soumet les étu­diant·e·s aux différents régimes cantonaux en fonction de leur domicile officiel, génère de grandes disparités qui ne reposent sur aucune justification matérielle. On peut également objecter que l’initiative ne vise qu’à instaurer une harmonisation nationale minimale, les cantons resteront libres de compléter l’aide aux étu­diant·e·s par des bourses supplémentaires. Le CF a donc proposé un contre-projet qui repose sur un principe de concordat intercantonal d’harmonisation mais qui ne  viserait nullement une élévation des bourses.

L’augmentation des bourses d’étude doit être soutenue fermement, mais le texte soumis au vote ne permettra pas, loin de là, de remédier aux fortes inégalités dont sont victimes les classes populaires face à l’éducation. Notre combat doit s’inscrire dans la continuité de celui mené par celles et ceux qui luttent contre « l’école élitiste » et pour la gratuité des études, comme l’ont fait récemment les col­lé­gien·e·s du Canton de Genève et comme continuent à le faire les mouvements sociaux à travers l’Europe. Pour permettre l’accès à toutes et tous à l’éducation post-obligatoire nous continuerons à défendre la gratuité des études. Une éducation réellement démocratique ne pourra se faire sans un véritable partage des richesses. Le conseiller fédéral Schneider-Ammann défendait dans le 24 heures son opposition à un projet jugé trop couteux : «Dites-moi où trouver l’argent» s’est-il plaint. Nous avons notre petite idée. 

 

Jean Burgermeister