Mesures d'accompagnement

Mesures d'accompagnement : Le retour de FLaM du SECO

On ne dit plus mesures d’accompagnement dans le jargon postmoderne de la Berne fédérale. Trop long sans doute. On parle de FlaM, acronyme de l’allemand flankierende Massnahmen, qui veut dire… mesures d’accompagnement. Le dernier rapport FlaM du Seco couvre l’année 2014. Dix ans après l’introduction de ces mesures, le résultat n’est toujours pas présentable.

Bien sûr, l’Union patronale suisse a poussé des cris de victoire, clamant que «ces mesures ont fait leur preuve», sans oublier de mettre en garde la Confédération contre toute élévation du niveau de protection.

Certes, le Seco se donne beaucoup de peine pour rappeler régulièrement dans son rapport que «Ces résultats ne reflètent pas la situation salariale de l’ensemble du marché du travail, dans la mesure où les contrôles sont largement ciblés selon les risques relevés par les organes de contrôle.» Ou encore que «les taux de sous-enchères ne reflètent pas la situation globale sur le marché du travail, mais uniquement les résultats de certaines branches et entreprises ciblées pour l’année sous rapport».

Il s’agit de faire d’une pierre deux coups : minimiser l’importance des infractions et faire croire qu’il existe un cordon sanitaire entre les méchants fraudeurs et le reste du marché du travail. L’Union patronale explique ainsi que «certes, le nombre d’infractions constatées peut paraître élevé de prime abord, mais des cas mineurs sont aussi répertoriés». Et le Seco enfonce le clou : «Les résultats d’infractions au salaire minimum ou de sous-enchères salariales doivent être interprétés avec prudence.»

 

 

Des chiffres accablants

 

Les contrôles sont effectués soit dans le cadre de commissions tripartites (« partenaires sociaux » et Etat), soit dans le cadre des commissions paritaires (« partenaires sociaux »), en fonction de la situation juridique de la branche : avec ou sans convention collective  (CCT) contenant un salaire minimum impératif, avec convention collective étendue, etc. En ce qui concerne les entreprises helvétiques :

 

les commissions tripartites ont signalé des cas de sous-enchère aux salaires usuels pour 10 % des entreprises suisses contrôlées, en augmentation par rapport à l’année précédente (le nombre de personnes concernées reste stable); ces contrôles ont porté sur environ 4 % des entreprises suisses non soumises à une CCT étendue.

Pour les commissions paritaires, qui ont réduit leur activité de contrôle, une suspicion d’infraction à l’encontre des salaires minimaux a été relevée chez 29 % des employeurs suisses (concernant 17 % des employé·e·s contrôlés)

En matière de travailleurs détachés et de prestataires de services indépendants :

 

les commissions tripartites ont signalé des cas de sous-enchères aux salaires usuels pour 560 entreprises de détachement et 1 260 personnes détachées, soit le 12 % des entreprises contrôlées.

les commissions paritaires indiquent un taux d’infractions suspectées aux salaires minimaux des CCT étendues de 28 % pour les entreprises de détachement (représentant 30 % des travailleurs détachés)

 

A cela s’ajoute le fait que 12 % des indépendants étrangers contrôlés par les commissions tripartites et paritaires ont été soupçonnés d’indépendance fictive, de connaître donc des conditions de travail et de rémunération illégales.

Dix ans après sa mise en place, le dispositif des mesures d’accompagnements reste un panier percé, qui laisse passer nombre de situations scandaleuses. Certaines font les titres de la presse. Début avril, deux chantiers de Swiss Life (assurance-vie) pratiquaient la sous-enchère salariale à Zurich. Cela montre que ces pratiques sont – au moins – couvertes par des entreprises renommées et financièrement puissantes et que c’est bien, contrairement à ce qu’avance le Seco, des pans entiers du marché du travail qui sont contaminés. La pression sur les salaires joue même dans des secteurs florissants où les sa­larié·e·s pouvaient estimer être à l’abri : dans l’horlogerie, les salaires médians ont diminué de 300 francs par mois en 2014.

Nous reviendrons bien sûr sur ce point dans le cadre de « l’optimisation » – tiens, il y aurait quelque chose à optimiser ? – des mesures présentée par le Conseil fédéral. 

 

Daniel Süri