Succès d'étape pour No Bunkers

Succès d'étape pour No Bunkers : Genève ferme ses abris

La lutte aura duré plus d’un an, largement intensifiée depuis la constitution du collectif d’occupation du Grütli – No Bunkers en juin passé, mais les efforts déployés par les migrants et les mouvements de soutien auront payé : le Conseil d’Etat a déclaré la fermeture de 5 abris de la protection civile (PCi) d’ici janvier 2016 ! L’abandon définitif des bunkers a été prononcé pour la fin 2016.

Le bunker  est un lieu insalubre, confiné, indigne pour l’habitation, où l’aération est mauvaise et la proximité néfaste. Selon les dires même de l’Etat, cette solution ne doit être utilisée qu’en cas exceptionnel, pour de courtes périodes. En 1999, lors de l’arrivée à Genève de réfugiés venant des Balkans, plusieurs bunkers avaient été ouverts en urgence pour compenser le manque de place d’accueil. Suite à la protestation conjointe des mi­grant·e·s et de Ge­ne­vois·es, ces abris avaient été fermés en moins de 6 mois et les quelque 800 re­qué­rant·e·s d’asile relogés en foyers. Aujourd’hui, la réouverture des bunkers dure depuis 2013. La période d’urgence aura donc duré plusieurs années !

 

 

Une lutte pour ne pas être enterré

 

En novembre 2014, des requérants d’asile se sont révoltés contre leur placement par l’Hospice général dans des abris PCi à la suite de l’incendie qui a ravagé le Foyer des Tattes. Certains d’entre eux en sont sortis plusieurs mois après, d’autres y vivent encore. A la mi-juin, deux nouveaux bunkers ont été ouverts et une centaine de migrants habitant les Tattes y ont été transférés pour libérer des chambres qui accueilleront des familles fraîchement arrivées. La cause de ce manque d’anticipation : un Etat qui n’a pas prévu l’afflux de réfugiés pourtant annoncé par la situation géopolitique et par de nombreuses associations travaillant dans le monde de l’asile. Ces transferts ont suscité une large mobilisation de la part des concernés, scandalisés de devoir retourner dans ces bunkers et d’être interdit d’accès aux Tattes, alors qu’ils y vivent depuis des années.

La mobilisation, soutenue par divers mouvements genevois, a débouché sur la formation du collectif No Bunkers et a commencé sa protestation par l’occupation de la Maison des Arts du Grütli, avant de se déplacer vers la Salle du Faubourg, le 2 juillet. Depuis cette date, une cinquantaine de requérants d’asile vivent ensemble, dans une seule et grande salle, et partagent cuisine et salle de bain. La co­habitation a su s’organiser et la lutte politique continuer au travers de rendez-vous hebdomadaires sur la Plaine de Plainpalais, les jeudis soirs, pour des manifestations et des repas collectifs.

Les négociations se sont poursuivies tout l’été avec le conseiller d’Etat Mauro Poggia, pour obtenir la garantie d’une fermeture des bunkers et du relogement des migrants vers des foyers de l’Hospice. Si l’Etat reconnait depuis le début la nécessité de trouver des lieux d’habitation décents, il réclamait le temps de bâtir ou de transformer de nouvelles structures d’accueil. Le collectif No Bunkers s’est donc chargé de proposer pas moins de 13 immeubles, maisons ou locaux vides pouvant être réhabilités à très court terme et à peu de frais.

 

 

Les migrants ont eu gain de cause

 

Finalement, diverses solutions concrètes se profilent pour les prochains mois, qui permettront l’ouverture de 350 à 450 places pour les habitants des bunkers entre septembre et janvier 2016. Le principal bâtiment permettant l’ouverture de ces places d’hébergement, qui accueille les bureaux de l’organisation ONUSIDA, est d’ailleurs issu d’une proposition émanant du collectif. Cet immeuble sera libéré dès septembre et ouvert début 2016, pour offrir 150 à 200 lits. L’ensemble des projets, pour certains provisoires, pour d’autres durables, permettra ainsi à Genève d’abandonner l’utilisation des abris PCi d’ici à la fin de l’année 2016 !

Afin d’assurer la mise en place de ces projets, d’en contrôler le suivi et de discuter des critères d’attribution de ces places le collectif rencontrera, deux fois par mois, le conseiller d’Etat Mauro Poggia. Ce processus, en parallèle au maintien des mobilisations, devrait pouvoir garantir la tenue des objectifs ci-dessus et le respect des engagements de chacun dans ce dossier.

Pour l’heure, le collectif No Bunkers prépare son déménagement de la salle du Faubourg, le contrat passé avec la Ville de Genève qui lui permettait d’y résider s’achevant à la mi-août. Le sort des migrants pour ces prochaines semaines n’est pas encore défini, mais leur avenir semble assuré : si l’Etat tient ses engagements, avant la fin de l’année ils auront une place en foyer.

Seuls le combat des demandeurs d’asile et la mobilisation impressionnante de ces derniers mois auront permis une telle victoire. Impossible à présent pour l’Etat d’enterrer des personnes et de prétendre que cette solution est exceptionnelle ou de courte durée et sans répercussion pour la santé. Reste à espérer que l’expérience de Genève profitera à d’autres cantons et permettra l’abandon définitif de l’usage des bunkers en Suisse.

Aude Martenot