Portugal

Portugal : Percée du Bloc de gauche aux élections et instabilité politique

La coalition de la droite portugaise a perdu la majorité absolue au Parlement, mais demeure la principale force politique issue de l’élection du dimanche 4 octobre. Le Bloc de gauche a fait un retour spectaculaire, avec son meilleur résultat jamais atteint, doublant quasiment son nombre d’électrices et d’électeurs et faisant plus que doubler son nombre de député·e·s.

C’est d’abord la fin  de la majorité de droite au parlement que les 5,37 millions d’électrices·eurs ont décidé. Entre ces élections et les précédentes, qui ont eu lieu en 2011, quelques semaines après la signature du mémorandum de la troïka, les deux principaux partis de la coalition au pouvoir ont perdu environ 700 000 votant·e·s.

 

 

Le PS marque le pas…

 

L’austérité radicale imposée au peuple portugais a conduit près d’un demi-million d’électeurs·trices potentiels à émigrer. Ils·Elles n’ont pas pu participer au vote du dimanche 4 octobre. Le Parti socialiste n’a pas été en mesure d’attirer à lui les mécontent·e·s et n’a gagné que 200 000 voix de plus, à 32 %. L’alternance habituelle entre partis dominants semble écornée, le PS étant largement considéré comme coresponsable du mémorandum signé avec la troïka juste avant les élections de 2011.

Son silence sur les grands enjeux européens lui est aussi reproché, notamment sur la dette. Le fait que l’ancien premier ministre José Socrates ait été en prison depuis l’an dernier en raison de soupçons de corruption (il a été renvoyé chez lui sous surveillance au début de la campagne électorale et il n’y a toujours pas d’accusation contre lui), et la reprise en main du parti par Antonio Costa, contraignant à des élections internes juste après la courte victoire du PS aux élections européennes, alors que le PS était alors représenté par un opposant à Socrates, ont contribué à diviser et à démobiliser l’électorat.

Du côté des forces anti-­austérité, le Parti communiste n’est pas parvenu à capitaliser la révolte qui s’est exprimée dans la rue pendant « les années troïka », et a conservé son électorat des élections précédentes, gagnant un député (8 %, 17 député·e·s)

 

 

Le Bloc de gauche double son électorat

 

La seule force politique qui soit parvenue à attirer les électrices·eurs mécontent·e·s, est clairement le Bloc de gauche. Avec 10 % des voix (550 000, presque le double du score de 2011) et 19 député·e·s, le Bloc de gauche est parvenu à remporter des circonscriptions contre des député·e·s sortants de droite et constitue aujourd’hui une force nationale, avec des élu·e·s dans 10 circonscriptions différentes. L’une de ces victoires constitue un symbole historique après 40 ans de démocratie : pour la première fois, l’archipel de Madère a élu un député de la gauche radicale. Trois des député·e·s nouvellement élus sont des indépendants, dont un activiste vétéran de la lutte pour les droits, avec un handicap qui va contraindre le Parlement à rendre le bâtiment, les bancs et la tribune accessibles aux fauteuils roulants.

Ce résultat s’est construit sur la performance de la nouvelle direction du Bloc de gauche après la convention nationale du parti qui s’est tenue en novembre 2014. La porte parole Catarina Martins a remporté sous les applaudissements tous les duels télévisés avec le premier ministre, le vice-­premier ministre et le leader du PS, et a rassemblé un soutien populaire d’une ampleur inégalée dans l’histoire du Bloc, durant sa campagne.

 

Catarina Martins

Catarina Martins

 

Le résultat électoral a confirmé le chaleureux accueil qu’elle avait reçu dans les rues partout dans le pays depuis deux mois. De son côté, Livre, un parti composé de dissident·e·s du Bloc en cours de rapprochement avec le PS (avec une large couverture médiatique) était condamné à la disparition politique, obtenant 0,72 % des voix. PAN, parti favorable aux droits des animaux, et la seule petite organisation qui rentre au Parlement, et elle est prête à soutenir n’importe quel gouvernement.

 

 

Vers quel gouvernement ?

 

Avec une majorité de gauche au Parlement, le PS est face à la responsabilité d’essayer – ou non – de négocier une alternative gouvernementale qui pourrait être soutenue par le Bloc de gauche et le Parti communiste.

La première réaction d’Antonio Costa, chef du PS, au soir de l’élection, déclarait que son parti n’opposerait pas d’obstacle parlementaire au programme gouvernemental de la droite […] En pratique, toute nouvelle mesure d’austérité qu’un gouvernement PSD/CDS essaierait d’imposer (par exemple la baisse de 600 millions d’euros sur le budget des retraites, déjà promise à Bruxelles), devra avoir l’accord du PS pour être adoptée au parlement…

Luis Branco

Publié sur le site d’International Viewpoint. ?Traduit par Ingrid Hayes. ?Coupes et intertitres de notre rédaction

 


Développements

Au moment où nous mettons sous presse, des entretiens viennent d’avoir lieu entre le une délégation du Bloc de gauche et le PS, comme aussi avec le PC portugais.

Catarina Martins – porte-parole du Bloc – déclarait à l’issue de ceux-ci que s’en était «fini du gouvernement de Passos Coelho e Paulo Portas» et qu’il existait une autre solution de gouvernement qui défende «l’emploi, les salaires et les pensions…» et qui aille dans le sens «d’une reprise de l’économie, d’une défense de l’Etat social et d’une rupture avec la politique d’austérité de la droite».

«Si le PS ne forme pas de gouvernement [à gauche] il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même» a rajouté le leader du PC… Affaire à suivre donc.  PV