Enjeux des mobilisations pour le climat

Enjeux des mobilisations pour le climat : Le réchauffement est un crime contre l'humanité

Depuis le début du processus initié au Sommet de Rio en 1992, les rejets de CO2 ont globalement augmenté de plus de 50 %, et deux tiers sont dus à 90 entreprises. Seule l’hypothèse la plus optimiste du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) permettrait de contenir la hausse des températures au-dessous de 2 °C, seuil qu’il faudrait même ne jamais atteindre, mais ligne rouge fixée par les gouvernants eux-mêmes.

 Or si le mandat  que les Etats s’étaient donnés initialement était de ne pas dépasser cette « ligne rouge », l’accord qui se dessine pour la COP 21 à Paris autour de contributions nationales nous conduisent à une prévision de 3 °C (ou plus) de réchauffement. L’accord ne sera probablement pas contraignant, alors qu’il semble si facile de le faire pour les accords commerciaux par ailleurs climaticides (CETA, TAFTA, TISA…). Selon Maxime Combes, « L’écart entre le réel (les 3 °C ou plus) et le souhaitable (les 2 °C ou moins) est le point de départ pour de nouveaux et plus nombreux crimes climatiques ».

En effet, le dérèglement climatique, causé essentiellement par les riches, agit comme multiplicateur des menaces que subissent les plus pauvres. Inondations, sécheresses, ouragans : les dérèglements et accidents climatiques sont déjà de plus en plus fréquents et dévastateurs.

Pendant ce temps, à la COP 21, sur la lancée des derniers sommets, les lobbies industriels les plus corrupteurs agissent depuis l’intérieur. GDF, Suez, ENGIE, Coca-Cola ou encore Renault-Nissan sont en pointe du greenwashing, et seront en outre officiellement présentés au public au Grand Palais comme pourvoyeurs de « solutions », alors qu’ils font partie du problème.

 

 

Voici quelques axes de lutte :

 

Multiples fronts de la Blocadie

Naomi Klein parle de « Blocadie » pour qualifier les multiples fronts de luttes de celles et ceux qui s’opposent aux ambitions des sociétés extractivistes, et plus généralement qui défendent tous les territoires menacés par l’appétit dévorant du capitalisme sous toutes ses formes. La récente décision d’Obama d’abandonner l’oléoduc Keystone XL a été vue comme une victoire d’étape du mouvement pour le climat, à partir d’un ancrage local fort. Plus proche de nous, il y a en France les ZAD comme celles du Testet où Rémy Fraisse a été tué il y a un an ou celle de Notre-Dame-des-Landes, et plus près encore celle de Roybon. Il y a aussi l’ancrage local des oppositions aux projets de forage pour les gaz de schistes, notamment en France et dans le canton de Vaud, et toujours l’opposition aux installations nucléaires.

Nous avons aussi participé aux mouvements qui dénoncent les comportements des banques, de la place financière et notamment du trading des matières premières, dont on peut rappeler que l’arc lémanique est la principale plaque tournante internationale. A l’exemple de ce qui se fait en France, une action de réappropriation symbolique de chaises dans une banque à Genève a d’ailleurs été menée récemment, dans le cadre de l’opération #faucheusesdechaises.

D’autres luttes locales ont une importance capitale dans une vision globale. Si du côté de Nantes on doit lutter contre la construction ex nihilo d’un nouvel aéroport, à Genève il faut intensifier la lutte contre le projet d’extension démesurée de l’aéroport existant. Il est en effet prévu que l’on passe de 15 millions de passagers/an aujourd’hui à 25 millions en 2030, ce qui représente 1 vol toutes les 90 secondes. L’aéroport produirait alors 40 % des émissions de NO2 du canton de Genève contre 25 % aujourd’hui. Le kérosène n’étant pas taxé, les compagnies aériennes concurrencent artificiellement les trains pour des destinations comme Zurich ou Paris. Vu que cet aéroport casse les prix pour attirer les compagnies low-cost, ses profits se fondent essentiellement non sur le trafic aérien mais sur la consommation dans les commerces de l’aéroport, rentabilité fondée sur un dumping salarial cause de scandales sociaux à répétition.

 

Campagne pour désinvestir des fossiles

Le réseau 350.org a lancé une campagne internationale de désinvestissement des fossiles. En effet, en 2013, les subventions publiques mondiales à ces sources d’énergie atteignaient 480 milliards d’Euros, soit plus de 4 fois les sommes allouées aux énergies renouvelables. Parmi les pires qui continuent à soutenir l’industrie fossile, en Suisse, outre les habituelles grandes enseignes bancaires que sont le Crédit Suisse et l’UBS, on trouve le réassureur Swiss Re, dont la schizophrénie peut étonner vu qu’il a documenté la montée des risques de catastrophe. On trouve aussi des officines publiques, comme la SUVA ou le Fonds de compensation AVS/AI/APG. Une campagne visant ces institutions est en cours (cf. fossil-­free.ch ).

 

 

Constituer une alternative écosocialiste face au capitalisme vert-de-gris

L’agenda est certes bouleversé par le contexte créé par les attentats perpétrés à Paris, et par la réponse politique en termes de restrictions des libertés publiques qui touchent de plein fouet les mobilisations prévues autour de la COP 21. Toutefois, la coalition organisatrice fourmille d’idées pour refuser le bâillon et manifester le refus des crimes climatiques fomentés au-dessus de nos têtes. De plus, par le slogan « ayons le dernier mot », nous concevions bien sûr ces mobilisations comme un relais important pour le mouvement pour le climat et la justice sociale : rien de suffisant ne sortira de ces négociations entre Etats soumis à la pression des multinationales. Le fait que certains veuillent encore une fois nous embarquer dans une logique guerrière détourne dramatiquement l’attention des enjeux capitaux de la survie sur Terre.

Sébastien Bertrand