Industrie horlogère

Industrie horlogère : Rumeurs et incertitudes

L'industrie horlogère marque le paysage et les consciences de tout l'Arc jurassien. La production suisse représente à peine plus de 2 % des montres dans le monde, mais plus de 50 % de la valeur. Comptant aujourd'hui près de 60 000 emplois, c'est une industrie volatile, très cyclique, dont la production est presque totalement exportée. Dans les années 70 du siècle passé, le secteur était passé de 80 000 emplois à moins de 30 000 en quelques années. Certains avaient même craint sa disparition.

L'année 2015 aura été celle du retour de tous les doutes ; ça bruisse de rumeurs, des ateliers aux directions, dans les couloirs des administrations cantonales et communales, dans les secrétariats syndicaux, dans les rédactions, partout.

Il y a eu des licenciements durant l'année 2015, des centaines. Chez les sous-traitants, mais pas seulement. Les carnets de commandes se sont sérieusement rétrécis, mais en même temps, des investissements importants sont réalisés pour de nouvelles unités de production, plus modernes. Les exportations horlogères en 2015 ont baissé de 6 %, les emplois ont probablement suivi la même tendance. Globalement, ce n'est pas énorme, mais c'est autre chose pour les personnes touchées. La question est posée: est-ce le début d'une plongée ou une pause avant un redémarrage? Dans les médias, les patrons tiennent à afficher un visage serein, mais dans la réalité le gonflage des stocks en inquiète plus d'un.

Les causes, multiples, de cette baisse sont connues. L'Asie d'abord (Hong-Kong, premier marché d'exportation, en baisse de 37 % sur les deux dernières années), ensuite la Russie et les pays émergents dépendants du pétrole. La force du franc est régulièrement dénoncée tant du côté patronal (en particulier Hayek, patron de Swatch) que des syndicats. Pour l'instant, la baisse des ventes n'est pas liée à une perte de parts du marché mondial, c'est plutôt le marché qui se rétracte. A tout cela s'ajoute une inconnue technologique: quel sera l'impact des montres connectées? Vont-elles tirer les prix du marché vers le bas et quelle place l'horlogerie suisse pourra-t-elle s'y faire, face aux géants des téléphones portables?

L'incertitude domine donc, et le spectaculaire rebond de l'horlogerie suisse après la crise de 2008 touche à sa fin.

 

 

Une CCT à renouveler

L'horlogerie suisse a toujours été un secteur important pour le syndicat Unia. Il y a beaucoup de membres et la convention collective de travail est taillée sur mesure pour encourager l'adhésion au syndicat. Le partenariat social (discussion entre patrons et syndicats dans le respect de la paix du travail) règne en maître ; les patrons horlogers y sont très attachés, car la valeur d'une montre n'est pas tant de donner l'heure, sa valeur symbolique est bien plus importante ; son image de marque est un mélange de travail bien fait, de quasi-artisanat, d'application, d'entente, bien loin du conflit social et de la lutte des classes. Pourtant la vie dans une usine d'horlogerie, avec son travail posté, parcellisé, répétitif, est bien loin de cette image d'Epinal.

La CCT (convention collective de travail) a été reconduite le 1er janvier 2012, dans une période euphorique, et les syndicats se sont déclarés très satisfaits des améliorations obtenues alors autour de la table de négociation. Le prochain renouvellement est prévu fin 2016. Quel sera alors le climat social? L'heure sera-t-elle à de nouvelles améliorations ou au contraire au durcissement et aux licenciements? Cette branche a perdu 50 000 emplois en quelques années sans troubles sociaux majeurs.

Dans les années 70, c'est le renvoi des immigrés italiens et espagnols qui avait agi comme coussin amortisseur. S'il devait y avoir une nouvelle crise majeure, ce pourrait bien être les frontaliers et frontalières qui cette fois-ci en feront les frais, à moins d'une mobilisation ouvrière qu'il ne faut pas tarder à préparer. Pour notre part, comme en 2012, nous défendrons la réduction du temps de travail et les améliorations salariales (en particulier le salaire minimum) ; mais la lutte contre les licenciements et la répartition du travail entre toutes et tous, indépendamment de sa nationalité ou de son origine, viendront peut-être aussi sur le devant de la scène.

Henri Vuilliomenet