Helvétiquement vôtre

Helvétiquement vôtre : Rosette, refoulée de Suisse, gazée à Auschwitz...

Le rapport du professeur Ludwig (1957), celui de la Commission Bergier (1999) et l’ouvrage d’Alfred Häsler, Das Boot ist voll (1966) avaient sérieusement écorné l’image «humanitaire» de la Suisse officielle en matière d’accueil des réfugié·e·s durant la Seconde Guerre mondiale.

Le 24 mars 2002, la Télévision suisse romande diffusa une émission de Claude Torracinta, consacrée à l’accueil des réfugié·e·s dans la région genevoise à cette époque. On estime à 850 le nombre des personnes refoulées, dont 117 ont été déportées, fusillées ou ont disparu.

Sur la base de sa documentation, Claude Torracinta vient de publier aux Editions Slatkine, un ouvrage intitulé Rosette, pour l’exemple, avec une préface de l’ex-conseillère fédérale Ruth Dreifuss. Un ouvrage qu’il vaut la peine de lire. Il relate le destin tragique d’une jeune Juive polonaise, âgée de 15 ans et demi, Rosette Wolczak, entrée en Suisse le 24 septembre 1943, mais refoulée en France le 16 octobre «pour raisons disciplinaires».

Pourquoi ce refoulement? Transférée du camp des Plantaporrêts à la prison de Saint-Antoine, dans le canton de Genève, Rosette «lors de ses interrogatoires, aurait admis avoir eu des relations sexuelles avec un réfugié. Et elle fut accusée d’avoir eu une conduite indécente avec des soldats suisses chargés de la garde du camp lors d’une soirée organisée le 29 septembre à l’occasion du nouvel an juif, Rosh Hashana.» (Le Courrier, 28.1.2016)

Responsable de l’expulsion de Rosette, Daniel Odier était un anti-sémite notoire (comme d’autres préposés à la politique des réfugié·e·s). Capturée trois jours après son refoulement, emprisonnée à Drancy, puis déportée à Auschwitz, Rosette fut gazée à son arrivée le 23 novembre 1943.

«Quelle leçon la Suisse a-t-elle tiré du destin de Rosette et de celles et de ceux à qui l’asile a été refusé?», demande Ruth Dreifuss dans sa préface. La réponse est simple: la Suisse officielle n’en a tiré aucune leçon!

Hans-Peter Renk