Une union civile au rabais

Ce jeudi 25 février, après de longues semaines de débats, l’Italie vient d’adopter un texte au rabais sur l’union civile pour les couples de même sexe – une victoire au goût amer qui ressemble largement à l’union civile suisse adoptée en 2005.

L’Italie, 34e sur 49 au classement des droits LGBT européen, est le dernier pays d’Europe occidentale où aucune norme législative n’encadrait l’union de couples de même sexe, bien que de nombreux maires (dont celui de Rome) aient pris la décision de célébrer des unions homosexuelles, non reconnues légalement.

Une situation qui a d’ailleurs valu à l’Italie d’être épinglée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en 2015. Alors que sa crédibilité est mise en doute, Matteo Renzi, qui s’était clairement opposé au précédent projet d’union civile DiCo de Romano Prodi en 2007 aux côtés de la droite berlusconienne et traditionaliste (et qui avait provoqué la chute du gouvernement de centre gauche), cherche maintenant à se vendre comme le grand réformateur de l’Italie pour satisfaire à nouveau son électorat de gauche, en proposant au Sénat le texte d’une Loi Cirinnà, du nom de la ministre en charge du dossier, ouvrant l’union civile aux couples de même sexe.

 

 

Une loi qui ignore l’existence des enfants de couples homosexuels

Mais quand on parle d’union civile ou de mariage pour tous en Europe, il est un point qui cristallise le débat: l’adoption. Ces derniers mois, les manifestations de défenseurs des droits LGBT (sous le slogan «Réveille-toi Italie!») et mouvements du Family Day (soutenus par la présence de militant·e·s de la Manif pour tous française) se sont donc immanquablement affrontées devant le Sénat.

Issu de deux ans de négociations, le texte de la Loi Cirinnà initial prévoyait l’ouverture de l’union civile pour tous et le droit d’adoption de l’enfant biologique du/de la partenaire. Mais un revirement de situation de dernière minute du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo qui avait jusqu’alors soutenu le texte, a fait échouer son adoption en l’état. Afin de s’assurer l’accord de la coalition au pouvoir, de tous les acteurs politiques et religieux les plus conservateurs, le premier ministre italien a réussi à négocier un «super-amendement», vidant la loi de sa substance en supprimant le droit à l’adoption et l’obligation de fidélité, afin de marquer une différence nette entre les unions civiles et le mariage, tel que le réclamait, entre autres, le pape François.

Comme la LPart suisse adoptée en 2005, cette union impose tous les devoirs mais bafoue les droits des familles LGBT, alors que partout à travers le monde les couples et enfants de couples homosexuels sont une réalité. «Une société qui humilie n’est pas une société décente, et l’Italie, aujourd’hui, humilie les personnes homosexuelles», Michela Marzano – députée PD tentée par la démission.

 

 

Le Vatican à la manœuvre

Lorsqu’on entend les propos de Mgr Charamsa lors du dernier synode sur la famille considérant que la pédophilie est un péché qui doit être accepté mais qu’en revanche l’homosexualité est une maladie à soigner, on se dit que l’ingérence du Vatican dans les affaires politiques italienne va continuer encore longtemps à pourrir dans l’œuf toute émancipation possible. Et ce d’autant plus que des figures les plus célèbres de la communauté LGBT en Italie telles que Dolce & Gabbana ou encore Giorgio Armani défendent fermement la famille… traditionnelle. A en perdre son latin.

En bref, tout le monde est d’accord, la «journée historique» de Matteo Renzi ne satisfait personne, à part lui-même. Un grand rassemblement est prévu ce 5 mars prochain à Rome, qui entend dénoncer le calcul électoral du premier ministre italien.

Marjorie Blanchet

Groupe LGBT de solidaritéS Genève