France
France : «Hollande, t'es foutu, la jeunesse est dans la rue»
La réforme de la loi sur le travail préparée par le gouvernement français (solidaritéS nº 284, 03.03.2016) est une attaque frontale contre les salarié·e·s. A la place de la protection de ceux·celles-ci le projet de loi privilégie la sécurité des entreprises via un paquet de mesures antisociales et antisyndicales. Le texte, intitulé loi El Khomri, a suscité des protestations massives.
Le 9 mars dernier, près de 500 000 personnes (224 000 selon la police) ont défilé à travers toute la France pour exiger le retrait du texte de loi. Il s’agit sans doute de la plus grande mobilisation sociale contre le gouvernement depuis l’accession de Hollande à la présidence. Le nombre de participant·e·s est d’autant plus impressionnant que les organisations syndicales n’ont appelé que tardivement, sous la pression de leurs bases, à rejoindre les cortèges, organisés initialement par les organisations de la jeunesse (Solidaires, UNEF, SGL, UNL, FIDL,…). Bien que la CFDT n’ait pas soutenu cette journée d’action, le syndicat appelant à la modification et non au retrait du projet de loi, de nombreux membres de l’organisation ont, semble-t-il, rejoint les différents cortèges.
L’un des éléments marquants de ces manifestations a été la présence massive, aux côtés des salarié·e·s du public et du privé, d’étudiant·e·s et de lycéen·ne·s. Des assemblées étudiantes se sont tenues dans de nombreuses universités, avec une participation impressionnante: 700 personnes à Paris-1 et Paris-8, 400 à Toulouse, autant à Rennes-2, 300 à Grenoble,… La plupart ont appelé à une nouvelle journée d’action le 17 mars ainsi qu’à la mise en place d’une coordination nationale des assemblées générales étudiantes. Nous assistons à l’irruption d’une jeunesse révoltée qui n’a pas hésité à bousculer le calendrier syndical pour dynamiser la contestation.
La colère ne faiblit pas
L’ampleur de la mobilisation a poussé le gouvernement à reculer quelque peu et à repousser la date de présentation de la loi à l’Assemblée Nationale. Certaines mesures ont par la suite été supprimées afin d’amadouer les syndicats dans l’espoir de couper l’élan de la contestation. Malgré ces arrangements, l’esprit du texte demeure une véritable machine à remonter le temps pour les salarié·e·s, et la colère n’a pas faiblit dans la jeunesse. Preuve en est que le 17 mars, le nombre d’étudiant·e·s et de lycéen·ne·s mobilisés était en augmentation par rapport au 9, malgré des manifestations globalement moins fournies.
A nouveau des assemblées étudiantes ont été organisées. Pour empêcher le bon déroulement de cette démocratie un peu gênante, plusieurs établissements ont d’ailleurs été fermés ce jour-là avec interdiction d’y pénétrer. Les étudiant·e·s qui ont tenté d’y tenir malgré tout des assemblées se sont retrouvés confrontés à une répression violente. Là où les assemblées ont pu se tenir, les participant.e.s ont appelé à maintenir la mobilisation jusqu’au retrait du texte et une nouvelle journée d’action a été agendée le 24 mars, date du conseil des ministres où sera déposé le projet de loi.
Le mouvement étudiant reste donc imposant. Mieux, il s’organise dans tout le pays. Si la mobilisation des salarié·e·s est pour l’instant plus lente à se mettre en place, sans doute en raison des pertes de salaires lors des jours grévés, la grève interprofessionnelle prévue le 31 mars pourra révéler l’ampleur de la fronde. Conçue comme le point d’orgue de la mobilisation, c’est sur cette date que se sont en effet concentrés les syndicats.
Cette journée sera décisive pour la suite mais la dynamique impulsée par certains secteurs de la jeunesse permet d’espérer qu’elle sera un succès. Après des années d’hébétude devant un président de «gauche» aussi zélé à appliquer une politique de droite, il semble donc que le mouvement social français reprend des couleurs. Car selon de nombreux témoignages, au-delà du projet de loi en question, c’est bien la politique du gouvernement qui suscite le rejet dans la rue, les lycées, les universités et les lieux de travail. Il faut dire que les raisons de mécontentement sont multiples, tant les attaques – antisociales, pro-patronales racistes, liberticides – se sont multipliées ces dernières années.
Mais ce n’est pas un hasard si c’est la loi sur le travail qui cristallise ce mécontentement, car ce qui est visé ici c’est le code du travail comme socle de défense des salarié·e·s et les possibilités d’action des syndicats. Quant à la jeunesse, elle a toutes les raisons de se soulever contre une société qui n’a plus grand-chose d’autre à lui apporter que le chômage et la précarité.
Jean Burgermeister