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International : Accord de la honte entre l'Europe et la Turquie
Les réunions du 18 mars dernier entre l’Union Européenne (UE) et la Turquie visaient à permettre à la première de se décharger au maximum de son devoir d’accueil humanitaire sur la deuxième. L’annonce de cet accord est pour le moins inquiétant, le gouvernement turque d’Erdogan ayant à maintes reprises révélé sa propension aux dérives autoritaires et à la persécution des minorités, notamment vis-à-vis de la population kurde. Décryptage sur cet accord et ses conséquences.
Depuis le 20 mars, les nouveaux·elles migrant·e·s arrivant en Grèce peuvent être refoulé·e·s en Turquie. Par cette mesure supposée «temporaire», la Turquie devient le gendarme de la prison à réfugié·e·s de l’UE. Il a également été convenu que pour un·e réfugié·e – lire un·e Syrien·ne·e – renvoyé en Turquie depuis la Grèce, un·e autre réfugié·e des camps turcs sera transféré en Europe par «un chemin humanitaire».
En échange de ce mercato demandé par l’UE, la Turquie a obtenu une accélération du processus d’adhésion à l’Union, alors même que le gouvernement Erdogan mène une guerre ouverte contre sa minorité kurde. Par ailleurs, L’Europe versera 3 milliard d’euros supplémentaires (en plus des trois promis fin 2015), supposés contribuer à l’accueil des migrant·e·s. Sachant que seul 10 % des réfugié·e·s vivent dans des structures d’accueil, et que 90 % d’entre eux·elles sont dispersé·e·s et laissé·e·s à leur compte, on peut se poser beaucoup de questions sur l’utilisation de ces fonds.
Dès lors, entendre les responsables turcs et européens parler de «réussite» pour cet accord révèle un niveau d’hypocrisie difficilement égalable. Il est particulièrement effarant de découvrir les propos du Premier ministre grecque Alexis Tsipras, issu de la gauche radicale, qui parle «d’avancée majeure pour l’UE».
Comment comprendre un refus si opiniâtre de l’UE s’agissant d’accueillir les personnes qui fuient la guerre? Les vraies raisons sont, comme toujours, de nature économique. Le capitalisme européen est en crise structurelle et continue depuis plusieurs années. Les investissements dans l’économie réelle perdent du terrain dans un système basé sur la spéculation financière et le profit à court terme. Céder trois milliards pour espérer en économiser un ou deux de plus dans un horizon proche, ainsi va la logique mercantiliste. Ce capitalisme-là ne veut en aucun cas voir ses profits diminuer, encore moins partager ses richesses avec celles et ceux qui en ont le plus besoin. Ces mêmes personnes qui, pourtant, pourraient rapporter des sommes colossales à l’économie européenne, à condition de leur en donner les moyens.
En signant un tel accord, les Etats de l’UE se déclarent une fois de plus défenseurs des politiques néolibérales. La Turquie, elle, joue à merveille le rôle de gardien des intérêts économiques de la bourgeoisie européenne.
Gazi Sahin