Neuchâtel ville Refuge, mais qui évacue temporairement L'AMAR

La question migratoire n’est plus un débat xénophobe orchestré par l’UDC à Neuchâtel. Avec l’adoption d’une motion du groupe PopVertSol qui demande que le gouvernement communal déclare Neuchâtel «Ville Refuge» et avec l’apparition d’un Lieu Autogéré Multiculturel d’Accueil et de Rencontre (L’AMAR), une forme de mouvement social naît à Neuchâtel pour défendre et organiser les migrant·e·s. À contre-courant, le Conseil communal rejette L’AMAR à la rue dans l’attente d’une solution négociée… Où en est le projet initial? Comment L’AMAR pérennise-t-elle ses activités hors-murs et son action de solidarité anti-raciste?

Le Lieu Autogéré Multiculturel d’Accueil et de Rencontre s’est constitué une première fois dans la maison propriété de la Ville sise à la rue de la Main 2. Cette maison avait été louée pour en faire un squat d’habitation voici trois ans et sa fin rocambolesque a rendu méfiant l’exécutif communal.

Cependant face à l’urgence sociale, l’argument de «légitimité dans l’illicéité» a été relativement bien reçu et reconnu. Les revendications de L’AMAR avancent dans les associations actives dans le «domaine de l’asile», mais aussi au sein de la population neuchâteloise par les nombreuses activités de l’association, et avec les autorités communales par la création d’un groupe de travail auquel L’AMAR participe.

La maison de la Main aurait été parfaite pour la mise en œuvre du projet L’AMAR qui se caractérise par des activités de jour faites pour et par les migrant·e·s et les militant·e·s résidant de plus longue date: assemblées publiques, projections, repas collectifs, freeshop, internet café, permanences, cours, ateliers, etc. Autant d’activités toujours faisables sans lieu fixe mais infiniment plus lourdes à organiser.

L’association L’AMAR ne désespère pas de pouvoir retourner à la Main 2, moyennant quelques travaux et une sécurisation du bâtiment. Une demande formelle a été faite pour pouvoir accéder à l’expertise invoquée pour exiger l’évacuation des lieux. Dans l’intervalle, L’AMAR est à la rue et elle la prend.

 

L’AMAR à la rue

Cet exil dans la rue pour des raisons techniques, L’AMAR l’utilise comme un instrument politique pour s’incarner pleinement dans la ville par des soupes populaires, manifestations, ateliers publics et autres. Les repas multiculturels que l’association organise sont un bon moyen d’amener un public large à la rencontre des migrant·e·s et des militant·e·s.

Trois exils se sont affirmés culinairement avec un repas érythréen, un syrien et un colombien servis tantôt place Pury, Temple du Bas et rue de la Main 2. Ce sont jusqu’à maintenant des succès qui permettent de développer des activités cogérées par les migrant·e·s et les militant·e·s, perfectionnant la communication, les capacités d’agir tout en combattant l’ennui qui guette si durement dans la situation des personnes placées en centre. C’est l’occasion de travailler ensemble et de construire une base politique collective, illustrée notamment par une participation active aux défilés du 1er Mai à Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds.

 

 

L’auto-organisation comme moyen et comme objectif

A l’image des migrant·e·s qui sont arrivés récemment, les demandes faites à un lieu comme L’AMAR sont variées et d’origines plurielles. La multiplicité des moyens d’action et des besoins ne peut être déléguée à une administration comme on la pense aujourd’hui.

Les Neuchâtelois·es, nouveaux arrivés et plus ancien·ne·s, apprennent ces semaines à construire un réseau et à s’inscrire dans ceux qui existent par l’action exemplaire, exempte le plus possible de rapports marchands, fonctionnant dans un espace démocratique très horizontal et précaire. C’est le prix de l’autogestion qui renforce, qui donne la parole à toutes et tous, qui construit la confiance dans une action collective fondamentalement antiraciste et déconstruit le vieux monde et ses oppressions.

Dimitri Paratte

 

lamarneuch.wordpress.com