Emprisonnez cette misère que je ne saurais voir

Le 28 mai, tous les habitant·e·s, travailleurs·euses, étudiant·e·s, chômeurs·euses, usagers·ères, migrant·e·s, acteurs·trices des milieux culturels, sont invités par un large front anti-austérité à participer à une grande manifestation unitaire à Genève. Un moment à réussir pour lancer une dynamique de lutte sur le long terme, notamment contre la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3).
Il n’y a pas si longtemps, tant le Procureur général que les Chefs de département géraient la question des sans-papiers avec une certaine prudence, voire une certaine tolérance.
C’était sans compter sur les Dupond, Dupont PLR, chantres de l’emprisonnement et de l’expulsion des migrant·e·s que sont Olivier Jornot et Pierre Maudet. Ce duo dangereux tend à transformer Genève en vaste prison, en proposant uniquement une gestion répressive des problèmes sociaux. C’est une tendance néolibérale classique, avec la disparition progressive de l’Etat social et l’avènement d’un Etat répressif et policier, mais la situation genevoise atteint des proportions inquiétantes.

Incarcération massive: migrants visés

Depuis l’arrivée de l’ancien membre du parti d’extrême droite Vigilance à la tête de la justice genevoise, le nombre d’incarcérations a grimpé en flèche. Passant de 3443 personnes en 2011 à plus de 6300 en 2014. Le nombre de personnes emprisonnées à Genève a quasi doublé alors que dans le même temps, le nombre d’infractions à baissé. Ces statistiques montrent clairement la volonté de recourir toujours plus à la prison comme moyen de gestion politique de la déviance, de la pauvreté et de la migration.
En effet, une grande part de cette hausse du nombre des personnes incarcérées vient de la politique du duo à l’égard des sans-papiers. De 2012 à 2014, le nombre de personnes incarcérées pour une infraction à la Loi sur les étrangers ( LEtr) a progressé de quasi 150 %, représentant une proportion toujours plus importante des motifs d’incarcération.

Enfermer pour mieux expulser

L’utilisation de l’enfermement des sans-papiers répond à plusieurs impératifs politiques. Cependant une des dimensions éminemment pratique de ce procédé est le constant contrôle que peuvent exercer les autorités sur les sans-papiers en vue de leur expulsion. La mise en place de cette politique se traduit d’ailleurs par une augmentation sans précédent du nombre d’expulsions dans le canton de Genève.
Alors qu’en 2013, Genève a procédé à 400 expulsions de son territoire, en 2015, M. Maudet en a provoqué plus de 1106. Cette augmentation phénoménale ne peut pas être uniquement imputée à une conjoncture migratoire spécifique et rend compte des orientations de fond du magistrat PLR.
Cette politique d’enfermement et d’expulsion peut paraitre totalement aberrante tant il est vrai que ces processus sont extrêmement coûteux humainement et économiquement. Les motivations profondes de sa mise en place se trouvent donc ailleurs, plus précisément au croisement de trois objectifs politiques:
  • réguler la migration et plus généralement les problèmes sociaux par des politiques répressives d’exclusion tout en réduisant de plus en plus l’accès à la richesse produite,
  • remplacer l’Etat social, redistributeur de richesse, par un Etat policier permettant de maintenir l’ordre social et surtout de protéger la richesse privée
  • et la construction des carrières politiques des responsables susmentionnés.

Une politique au service de leurs carrières

Bien sûr, les deux premiers objectifs répondent à des logiques néolibérales bien connues que nous devons dénoncer et dont nous nous manquerons pas de combattre les effets extrêmement néfastes. Mais plus que cette vision stratégique, la motivation principale des deux PLR est sans doute bassement personnelle.

Actuellement, l’hyper-sécurisation et l’utilisation de la répression pour résoudre les problèmes sociaux bénéficient d’une cote de popularité significative. La recherche de résultats politiques probants les pousse à utiliser tout ce qui leur permettrait de présenter des chiffres «avantageux».

Malheureusement, le silence de plus en plus pesant de la société au sujet de ce genre de pratiques laisse le champ libre à ce discours ultra-sécuritaire. Au-delà des visions de société que nous défendons, nous devons refuser de bâtir les bases de notre organisation sociale sur la violence à l’égard d’autres humains. Enfermer, battre, expulser des personnes n’améliorera jamais notre sort et nous devons sortir du silence.

En tous cas, nous devons refuser que certain cherchent à construire leur popularité sur la souffrance de milliers de femmes et d’hommes. Une autre Genève est possible, mais sans Maudet et Jornot!

Pablo Cruchon