Schneider-Ammann

Schneider-Ammann : Lou Ravi du néolibéralisme

Dans les crèches provençales, il y a toujours un personnage qui s’émerveille devant le mystère de la nativité, les bras levés au ciel. C’est Lou Ravi. A la présidence de la Confédération, Schneider-Ammann célèbre chaque jour les mystères du néolibéralisme.

Dernière sortie en date de notre – ou plutôt de leur – ministre de l’économie, son refus d’interdire des activités comme Uber ou Airbnb, suivi d’une injonction à la SUVA de s’adapter à la nouvelle réalité (Téléjournal du samedi 28 mai). Après avoir péniblement ânonné la leçon apprise au Forum de Davos sur la 4e révolution industrielle, Schneider-­Ammann laissa tomber son verdict avec une mine réjouie: «les marchés nous demandent d’accepter ces nouvelles opportunités».

Figurez-vous en effet que la SUVA, principale assurance-­accidents obligatoire de Suisse, retardant d’au moins une révolution industrielle d’après le pense-bête du chef du Département fédéral de l’économie, avait eu l’outrecuidance de considérer que les chauffeurs indépendants qui utilisent l’application Uber étaient bien les employés de cette firme, dès lors chargée de payer leurs cotisations sociales.

Le retour du travail à la tâche

La «digitalisation» de l’économie (4e révolution industrielle, selon Lou Ravi) telle qu’elle est pratiquée par des entreprises comme Uber ou Airbnb ou encore Le Turc mécanique d’Amazon repose sur un principe simple: le retour du travail à la tâche (qui donna le péjoratif «tâcheron») et la suppression des cotisations sociales, par la multiplication des faux indépendants et vrais précarisés. Les mécanismes d’Uber et de ses «covoiturants» sont bien connus: pas d’obligation de l’employeur, pas de droits pour l’auto-entrepreneur, course à la demande, prix fixé d’en haut, pourcentage minime pour survivre et ensemble des charges sur le dos de celui qui pense ainsi arrondir ses fins de mois: cotisations sociales, frais de voiture, assurances, etc. Le Turc mécanique (Mechanical Turk) d’Amazon, entreprise renommée pour ses exécrables conditions de travail, est une plateforme informatique sur laquelle se rencontrent des entreprises d’un côté et des particuliers de l’autre. Les entreprises proposent des microtâches, auxquelles sont associées une rémunération (en général minime) et un temps alloué (si vous prenez la tâche et ne la réalisez pas dans le temps alloué, elle est remise sur le marché). La plupart de ces tâches exigent peu ou pas de qualification. Le travail est ainsi précaire, flexible, morcelé, individualisé.

Demain, les robots et la fin du travail salarié?

Cette tendance de l’économie – qui demande encore à s’affirmer, car à l’heure actuelle ni Uber ni Airnb ne font de bénéfices et Amazon en fait rarement – a souvent été englobée sous le terme de robotisation, mélange de numérisation et d’automatisation. Economistes néolibéraux purs et durs et gourous des lendemains technologiques prédisent la disparition massive des emplois. Un schéma déjà présent et largement infirmé lors de la révolution informatique. Et une tendance à la marge, puisque l’OCDE estime à 9 % seulement la proportion des emplois «qui présentent un risque élevé d’automatisation». Non, la précarité n’est pas un destin implacable, ni économiquement ni politiquement. N’en déplaise à Lou Ravi.

Daniel Süri