J'aurais voulu être ringarde

J´aurais voulu être ringarde

Rubrique Féminin–Masculin, une, deux… voire trois pages dans chaque numéro de votre journal préféré. Et un optimisme sans faille, par les temps maussades – de backlash – qui courent, douze ans après la grève des femmes nationale du 14 juin 1991. Il en faut une forte dose pour encore oser espérer, pour agir…


Dans ces pages, peu de place pour l’humour, ni même pour l’amour, juste un cuisant constat permanent: les femmes risquent chaque jour de perdre les maigres acquis des luttes féministes et plus encore.


Les féministes, qui rêveraient avec moi d’être ringardes, c’est-à-dire de mener des combats d’arrière-garde – sont pourtant toujours sur les fronts habituels: les violences faites aux femmes – désolée Elisabeth1, nous on ne peut pas faire l’impasse. La violence conjugale, chronique régulière des brèves de tous les quotidiens sous des titres anodins: «Scène de ménage, un mort». C’est vrai, il s’agit bien de la première cause de décès et d’invalidité des femmes de 16 à 44 ans en… Europe.


On s’auto-censure pourtant un peu pour ne pas faire de la violence contre les femmes une rubrique permanente du journal, tant les chantiers ouverts et à ouvrir sont vastes, mais cette victimisation de la femme, ça nous crève!


De même, que dire des trafics de femmes en tous genres, organisés par des mafias (où, en général, même si je n’ai pas fait d’analyse spécifique, il me semble qu’il n’y ait guère de femmes), pour le trottoir ou même pour les ménages de gentilles familles, qui peuvent donc avoir une «petite bonne» pour pas cher, d’autant qu’elle n’a pas de statut, donc pas de droits, mais une grosse dette et la peur au ventre.


Enfin, les inégalités salariales et donc de retraites, qui forcent la moitié des travailleuses à vivre dans la pauvreté et l’assistance au terme de leur vie active, c’est aussi une violence faite aux femmes. Sans parler des conditions de travail des femmes, toujours plus précaires, qu’il faut endurer «à côté» de longues heures d’activités éducatives et ménagères au foyer…


Flora Tristan est née il y a deux cent ans, elle a pourtant ouvert la voie, elle ne dissociait jamais la cause des femmes de celle de tous les salariés, hommes et femmes. Gardons cette icône d’un autre monde possible bien présente parmi nous, pour inspirer nos combats.


Les femmes doivent, vite et maintenant, élaborer d’autres modèles pour la réflexion, l’analyse et l’action, afin de ne pas céder au sempiternel piège du modèle dominant, patriarcal et hétérocentriste, et ce dans tous les domaines. La lutte continue…


Anita CUENOD

  1. Elisabeth Badinter, dans son dernier ouvrage Fausse route, critique les féministes qui mettent une priorité sur la lutte contre les violences faites aux femmes.