Brexit

Brexit : Quelles perspectives après la victoire du leave?

51,89% des Britanniques ont voté en faveur d’une sortie de l’Union Européenne (UE). Ce désaveu pour la classe politique du Royaume-Uni et de l’UE déstabilise les différentes forces en présence. Mais quelles sont les conséquences concrètes de ce Brexit, au sujet duquel on promettait, selon le camp, soit l’apocalypse soit la solution à tous les maux?

Il est encore tôt  pour proposer une analyse définitive du Brexit. D’un côté, il marque le rejet d’une institution difficilement défendable à l’heure actuelle. L’UE a en effet été créée pour le grand capital et continue à le servir. Elle a échoué à se construire comme une entité réellement démocratique et impose des politiques d’austérité. Ce rejet a été en partie exprimé par des couches de la population qui se sentent, à raison, rejetées par la mondialisation et la libéralisation économique européenne.

Mais d’un autre côté, la campagne pour le Brexit a été très largement dominée par un discours xénophobe et nationaliste. Les propositions d’un leave de gauche n’ont pas réussi à peser. C’est donc un discours mêlant critique du «joug des administrations de Bruxelles» et diabolisation de l’immigration qui a dominé dans les débats et les médias.


Alex White

Ça penche à droite chez les vaincus

La majorité des dirigeant·e·s britanniques, tant conservateurs que travaillistes, défendaient le maintien dans l’UE. Le résultat provoque donc des remous immédiats. Du côté des conservateurs au pouvoir, David Cameron a annoncé sa démission. Avec le retrait du chef de file des pro Brexit au sein du parti, le maire de Londres Boris Johnson, c’est pour l’instant Theresa May qui fait figure de favorite pour reprendre le poste. Cette dernière peut se comparer avec Thatcher et, en tant que ministre de l’Intérieur, s’est faite connaître pour ses mesures anti-immigration et ses politiques sécuritaires, régulièrement dénoncées comme liberticides.

La victoire de l’aile droite et eurosceptique va de plus certainement pousser Theresa May a durcir son discours sur ces aspects, voire favoriser l’élection d’un autre candidat issu du camp favorable au Brexit.

Du côté des travaillistes, les député·e·s, depuis longtemps farouchement opposés à Jeremy Corbyn, qui leur a été imposé par la base du parti, se saisissent de cette nouvelle occasion pour remettre en cause sa place et revenir au blairisme. Ils·Elles sont, ainsi, nombreux à critiquer l’incapacité de Corbyn à répondre aux prétendus «soucis légitimes des citoyens envers la migration».

La patate chaude des vainqueurs

Chez les vainqueurs, le résultat fait pour l’instant l’effet d’une patate chaude que les différents leaders tentent de se refiler. Le retrait de Boris Johnson et les conséquences directes du vote, comme la chute de la livre sterling ou le retrait du triple AAA, poussent les tenants du Brexit à minimiser la réalisation de leur victoire. Même UKIP subit les contrecoups du vote puisque son leader Nigel Farage a annoncé sa démission de la tête du parti. Dans sa tribune au Telegraph, Boris Johnson tente ainsi de faire croire que ce vote n’aurait tout simplement pas de conséquences, le Royaume-Uni étant selon lui promis à rester au sein de l’Espace économique européen. De son côté, Nigel Farage, est revenu sur ses promesses de campagne, dont celles concernant le financement du NHS, la sécurité sociale britannique.

Ces atermoiements trahissent les multiples césures qui existent dans le camp du leave, notamment entre les tenant·e·s d’un Royaume-Uni ultra-libéral, débarrassé des réglementations de Bruxelles, et ceux touchés par cette libéralisation et ses crises endémiques, qui voient dans l’espace national une possibilité de peser démocratiquement et de retrouver un équilibre social et économique. La question de l’immigration a été instrumentalisée par les premiers pour rallier les seconds, alors même que la mise à disposition d’une main d’œuvre étrangère corvéable participe de leur système libéral, ce qui explique pourquoi les conservateurs pro Brexit reviennent déjà en arrière sur la question de l’appartenance à l’Espace économique européen.

Il est encore trop tôt pour savoir comment l’Europe va réagir. Une tendance, défendue par la France et l’Italie, souhaite une sortie rapide du Royaume-Uni pour marquer les esprits et prévenir tout effet domino, tandis qu’une autre, portée par l’Allemagne et les pays de l’Est, envisage une sortie progressive, assortie d’un statut spécial pour le Royaume-Uni, afin de garantir les échanges avec un acteur économique central, et de promouvoir une vision de l’Europe de moins en moins régulatrice. Dans le même temps, les différentes forces eurosceptiques et xénophobes vont tenter de profiter de ce vote pour renforcer leur discours dans leur pays respectif, la Suisse n’étant pas de reste.

Les migrants comme point central

Les migrant·e·s ont joué un rôle central, autant lors de la campagne que dans la recomposition actuelle des forces politiques. Un tel climat a renforcé la parole et les pratiques xénophobes au Royaume-Uni. La police a ainsi constaté une augmentation de 57% des agressions racistes dans le pays. De ce point de vue, le plus urgent semble encore et toujours de reposer la question des migrant·e·s en termes de solidarité face à des populations en détresse.

Suite au référendum, des initiatives ont été prises pour manifester cette solidarité avec les migrant·e·s et exprimer l’opposition au racisme. Celles-ci doivent continuer et s’amplifier, non seulement au Royaume-Uni mais dans tous les pays de l’UE, pour que cette dernière cesse de constituer une forteresse meurtrière. Les problèmes que rencontrent les populations précarisées du Royaume-Uni ne sont pas dus à l’immigration, mais aux politiques d’austérité, imposées autant par le gouvernement conservateur en place que par les institutions européennes.

Pierre Raboud