CETA
CETA : La portée des résistances locales
Alors que les différents accords internationaux se discutent et se ratifient souvent de façon opaque, comment la résistance reste-t-elle possible sur le terrain? C’est la question que pose l’opposition de la Wallonie à l’accord CETA.
Signature du Traité, le 30 octobre 2016
L’accord CETA concerne des normes de libre-échange entre l’Europe et le Canada, proches dans l’esprit de celles de TISA que nous avons évoqué dans de précédents numéros. Il inclut ainsi le droit pour les multinationales d’attaquer des pays édictant des lois pouvant nuire à leurs affaires, leur permettant de faire appel à des cours d’arbitrage privées afin d’obtenir des réparations de la part des Etats.
Or, cet accord a failli capoter du fait de l’opposition rencontrée en Wallonie. Le parlement y a refusé de donner son aval à l’Etat belge pour signer CETA, bloquant sa signature pour un temps. Malgré une situation tendue où le gouvernement wallon semblait tenir tête face aux coups de pression de l’Etat belge et de l’Union Européenne, l’accord a finalement été signé le 5 novembre, suite à l’obtention de quelques (très) maigres modifications, comme la promesse de clarifications concernant les secteurs agricoles et les services publics ou encore la conformité du mécanisme d’arbitrage.
Mobilisation et désillusion
Ce déroulement fait inévitablement penser à la Grèce, avec une résistance forte dans un premier temps face aux ultimatums et pressions conjoints des instances européennes et des milieux des affaires. Puis, la désillusion d’une capitulation face à ces mêmes diktats. La Communauté française de Belgique a été marquée par des mobilisations importantes, 15 000 personnes ayant manifesté à Bruxelles contre les divers traités de libéralisation.
Il ne faut pas oublier que, dans le cas présent, si le gouvernement régional a défendu ces mobilisations et s’est posé en force de résistance démocratique face aux diktats des multinationales, c’est avant tout pour des raisons tactiques et électoralistes face au gouvernement national tenu par la droite. La majorité socialiste et démocratique humaniste (cdH) de Wallonie a mené jusqu’ici une politique néolibérale et il n’y a donc rien d’étonnant à les voir finalement donner leur aval à la signature de cet accord, une fois les fleurs de la posture résistante et démocratique récoltées.
Le poids de la démocratie dans l’Union Européenne
Cette situation souligne une nouvelle fois l’échec de l’Union Européenne en terme de projet démocratique. Cette instance donne aux multinationales le pouvoir d’imposer leurs exigences aux parlements nationaux à travers des traités négociés sans aucune légitimité démocratique. Et lorsqu’une mobilisation populaire ou un gouvernement régional tente de faire entendre sa voix et de s’y opposer, les pouvoirs politiques, médiatiques et économiques se déchaînent pour imposer leur diktat et empêcher toute remise en question.
Le poids de la démocratie parlementaire ne semble donc plus peser bien lourd face aux intérêts des marchés globaux au sein d’une Union Européenne de plus en plus réduite à une élite de technocrates non élus, au service de la gouvernance néolibérale. Jean-Claude Juncker en convenait lors de la crise grecque lorsqu’il pérorait: « Il ne peut y avoir de recours démocratique contre les traités européens déjà ratifiés ».
Pour autant, l’opposition à CETA a bel et bien mis à mal, pour au moins un temps, la signature de cet accord. TTIP, traité entre l’Europe et les Etats-Unis, semble de son côté de plus en plus compromis. La résistance populaire peut donc potentiellement entraver la réalisation de ces traités opaques et c’est dans ce sens que des mobilisations vont continuer en Belgique et ailleurs pour s’opposer à la ratification du CETA par les différents parlements nationaux et régionaux de l’Union Européenne. Il est urgent que des mobilisations et des gouvernements s’opposent résolument aux diktats de l’Europe et des multinationales.
Pierre Raboud