Canton de Zurich
Canton de Zurich : L'impôt spécial pour les cliniques privées fait débat
Le gouvernement cantonal zurichois, à majorité largement bourgeoise (2 PLR, 2 UDC, 1 PDC et 2 PS), projette un impôt supplémentaire pour les revenus tirés par les hôpitaux et cliniques des patient·e·s au bénéfice d’une assurance complémentaire. Défendue par le chef du département de la Santé, le libéral-radical Thomas Heiniger, la mesure est moins progressiste qu’il n’y paraît.
A première vue, les choses semblent simples. Un gouvernement, soucieux des finances cantonales et de celles du département de la Santé en particulier, ainsi que de l’égalité de traitement des patient·e·s du canton… qui constate que les patient·e·s au bénéfice d’une assurance complémentaire ont permis au secteur hospitalier répertorié par le canton de réaliser un chiffre d’affaires de 636 millions l’an passé. Or, ce sont les cliniques privées qui s’assurent la plus grande part du gâteau ; la plus connue d’entre elles, la clinique Hirslanden réalise 78 % de son chiffre d’affaires avec les complémentaires des assuré·e·s.
L’impôt spécial et temporaire (limité à 5 ans) devrait rapporter 43 millions. Les taux de l’impôt, qui varient entre 0 et 35 % sont progressifs et pas très agressifs: si la part de patient·e·s au bénéfice d’une complémentaire dans le chiffre d’affaires est de 50 %, le taux d’imposition est de 12,5 % ; à 26 %, elle ne représente plus que 2,5 %.
Levée de boucliers du privé
Cela n’a pas empêché le privé de hurler à l’impôt «d’exception», comme on parle d’état d’exception, et de monter au créneau. Que ce soit l’Association zurichoise des hôpitaux et cliniques, l’Entente «système de santé libéral», les Cliniques privées suisses ou encore nombre de politicien·ne·s bourgeois. Economiesuisse y est aussi allée de sa salve d’artillerie: le projet d’imposition serait arbitraire, ponctionnerait les revenus des cliniques privées pour des raisons fiscales, distordrait la concurrence, pénaliserait les cliniques économiquement rentables et bouleverserait finalement un système de santé suisse finement réglé. Horreur absolue: «Nous nous rapprocherions d’une médecine étatique, qui serait soit coûteuse, soit rendue abordable via des mesures de rationnement.»
Diable! L’ancien officier supérieur de la Justice militaire helvétique Thomas Heiniger serait-il devenu un dangereux gauchiste? Le gouvernement zurichois aurait-il pris le maquis?
Rien de tout cela. La mesure proposée ne touche pas aux fondements du système de santé suisse et ne le réorientera qu’à peine. En revanche, l’effet pervers d’une augmentation des primes des complémentaires semble presque acquis: il revient à reporter l’imposition de sociétés fortement capitalisées sur un groupe pas toujours privilégié de personnes physiques. La hausse des revenus de l’Etat serait ainsi financée par les cotisant·e·s aux assurances complémentaires, souvent nécessaires pour une catégorie de patient·e·s. DS