Helvétiquement vôtre
Helvétiquement vôtre : Valeurs chrétiennes et identité suisse
Avec la montée, depuis une vingtaine d’année, de la droite national-conservatrice, la Suisse n’échappe pas à la «droitisation du monde», qui priorise les questions «identitaires».
Communion à Ecône
Ainsi, un sondage du Matin Dimanche (6.11.2016) affirmait: « Les valeurs chrétiennes font partie de l’identité suisse pour 80 % des gens». Dans ce même journal (13.11.2016), Gerhard Pfister (président national du Parti démocrate-chrétien) déclarait: «Je tiens à rappeler que l’Etat de droit est issu du christianisme. […] C’est la culture chrétienne qui a permis aux notions de liberté individuelle et d’égalité d’émerger. A l’inverse, Christian Levrat estime que seules les Lumières sont à l’origine de tout cela».
Or, les faits historiques démentent les déclarations de G. Pfister. En effet, de la République helvétique (1798–1803) à la guerre du Sonderbund (1847), les forces conservatrices (catholiques et protestantes) ont utilisé les convictions religieuses (ou, plus exactement, le conformisme social généré par les structures existantes) d’une partie de la population pour préserver les structures de l’Ancien régime.
En 1866, les catholiques conservateurs s’opposèrent à l’émancipation des juifs·ves (auxquels la Constitution de 1848 n’avait pas accordé les droits égaux). Plus tard, des syndicats chrétiens furent fondés pour faire contrepoids à l’Union syndicale suisse.
Durant la 2e Guerre mondiale, la Ligue du Gothard – se présentant, ce qu’elle n’était point, comme une organisation de résistance au nazisme et au fascisme – préconisait une «Suisse chrétienne» (en excluant de ses rangs les juifs·ves, les franc-maçons et la gauche).
Enfin, il aura fallu attendre le concile Vatican II (1962–1965) pour que le très corporatiste Parti populaire conservateur-catholique se mue en Parti démocrate-chrétien (1971). Mais cette mutation n’empêche pas la présence dans ce parti de politicien·ne·s aux vues fort conservatrices.
Les déclarations de Gerhard Pfister – notamment celles plaçant l’Islam en position de suspect par rapport à la 2e religion monothéiste (supposée, elle, a priori avoir résolu ses divergences de vue avec le monde moderne) – posent donc plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Qu’est-ce donc que les «valeurs chrétiennes»? Les croyants eux-mêmes se posent la question depuis la transformation de l’Eglise primitive en Eglise d’Etat, après la conversion de l’empereur Constantin, au 4e siècle. Au cours des siècles, leurs réponses furent diverses…
Hans-Peter Renk