Professionnels du social et usagers
Professionnels du social et usagers : Ensemble contre l'austérité!
Pour la 3e année consécutive, l’Observatoire de l’aide sociale et de l’insertion (OASI)* à Genève publie son rapport, livrant les expériences, les déboires, le vécu, les espoirs d’ayants droit aux prestations d’aide sociale, de chômage et de prestations complémentaires familiales. Mais cette année, l’OASI a introduit une nouveauté en récoltant aussi la perception des professionnels, des acteurs sociaux de ce même terrain. Il a mis en regard les témoignages des usagers·ères et les constats des professionnels. Du croisement de ces regards, que l’on se plait généralement à opposer, ressortent des bilans identiques qui pointent une réalité accablante pour nos collectivités publiques.
Insuffisance de prestations, déficit d’accompagnement, disparition des activités d’information sociale et de prévention, «procédurisation» du suivi sont autant de constats partagés entre les travailleurs·euses et les usagers·ères de l’aide sociale, du chômage et des prestations sociales. Ces critiques remettent directement en cause les politiques de prise en charge des personnes à l’aide sociale et démontrent, si besoin était, qu’il ne s’agit pas d’une simple perception des usager·ère·s.
Le problème est plus profond et un début de réponse apparait aux contours des témoignages recueillis. En effet, tous les acteurs·trices s’accordent à relever l’absence de moyens suffisants pour répondre adéquatement aux besoins des usagers·ères. Pire, ils mettent en évidence le transfert implicite de compétences et de charges notamment vers les services sociaux privés. En d’autres termes, une privatisation rampante de prestation des services publics.
Ces constats sont d’autant plus importants qu’ils viennent confirmer l’analyse des dégâts des politiques néolibérales appliquées à Genève, mais dont les ravages s’étendent à tout le pays. Les attaques répétées de la droite bourgeoise contre les dépenses publiques et les logiques de privatisation qui les sous-tendent, se traduisent par des situations dramatiques et des souffrances pour des milliers de personnes tant pour les usagers·ères face à l’impossibilité d’obtenir des réponses à leurs besoins, que pour les professionnel·le·s à y répondre adéquatement. Le rapport de l’OASI nous montre également que face à ces souffrances, des solidarités se créent entre les différents acteurs.
Au-delà de cet état de fait, le rapport de l’OASI met un point d’honneur à restituer les besoins, les nécessités qu’induisent les témoignages recueillis. Ainsi, il formule 46 propositions visant à modifier les 3 lois observées et à transformer les pratiques des organismes qui en sont en charge. Des propositions qui tendent essentiellement à recentrer l’activité des organismes en question sur leurs vocations premières: l’aide sociale et l’insertion professionnelle, à privilégier un accompagnement personnalisé de qualité, à développer l’information et la prévention, à diminuer le non recours aux prestations, à supprimer les inégalités de traitement. L’OASI demande simplement que les inadéquations des lois soient corrigées et que les droits des usagers à des prestations de qualités soient respectés. Vaste, mais légitime programme, s’il en est!
Mais l’OASI ne s’est pas cantonné à ces évocations et recommandations sans mettre en évidence le contexte d’austérité, de mutation des politiques publiques dans lesquels se déploient les dispositifs légaux et institutionnels qu’il examine. C’est pourquoi, cette année l’OASI a mis un accent particulier sur le descriptif des différentes modifications législatives et sur les caractéristiques du contexte économique et social ambiant. Il s’est attaché à mettre en lumière l’augmentation de la pauvreté et de la précarité et la diminution simultanée des instruments et des ressources pour y faire face.
L’OASI livre une centaine de pages riches de constats, d’analyse, de témoignages, de propositions et de documents qui nourrissent ses réflexions. Il est hautement recommandé d’en prendre connaissance et surtout de les diffuser sans modération, car cette réalité trop souvent déformée, occultée, doit être enfin connue et reconnue.
Ce rapport démontre encore une fois la nécessité de se battre contre ces politiques néolibérales et ces logiques d’austérité qui petit à petit, détruisent les solidarités et dégradent les vies de nombreuse personnes. Le mérite de ce document est d’également nous rappeler que ce n’est qu’en faisant converger les luttes, celles des travailleurs·euses, des chômeurs·euses, des usagers·ères de l’aide sociale et bien d’autres que nous pourrons réellement combattre cette vision du monde de plus en plus injuste.
Jocelyne Haller