Richemont

Richemont : Cadeau fiscaux pour les uns, licenciement pour les autres?

Début novembre, le groupe Richemont a annoncé son intention de vouloir supprimer 211 emplois en Suisse romande. Les salarié·e·s des marques Vacheron Constantin et Piaget sur les sites de Genève, la Vallée de Joux et la Côte-aux-fées seraient concernés. Ces grands patrons de l’industrie horlogère suisse s’apprêtent pourtant à recevoir un gigantesque cadeau fiscal. Le personnel n’entend pas se laisser piétiner ainsi!


Le multimilliardaire Johann Rupert (à droite), homme le plus riche d’Afrique du Sud, président du Conseil d’administration de la Cie Financière Richemont est un passonnée de voitures de luxe

Soutenus par le syndicat Unia, plus de 700 travailleurs et travailleuses se sont réunis en assemblées générales dans les entreprises concernées. Choqués et déterminés à ne pas se laisser faire, ils·elles exigent que le plan de restructuration soit retiré.

La résolution votée le 15 no­vembre dernier, conjointement sur les trois sites touchés, demande également que la direction fournisse toutes les informations utiles (chiffres, structure exacte du personnel concerné, masses salariales et bénéfice net par site de production…) afin de pouvoir envisager d’autres alternatives et éviter des licenciements.

Pour l’heure, les directions de Piaget et Vacheron Constantin ne semblent pas vouloir envisager d’autres scénarios, comme par exemple le recours au chômage technique que prévoit pourtant la convention collective de travail du secteur pour faire face à des baisses d’activité.

Du sale business sud-africain à l’industrie du luxe

Le groupe Richemont, qui possède notamment les marques Piaget, Vacheron Constantin, Jaeger-­Lecoultre ou encore Cartier, évoque les difficultés liées au tassement des marchés, notamment en Chine, ainsi que la baisse de 50 % de son bénéfice.

Pourtant, le bénéfice net déclaré au premier semestre 2016 dépasse encore le demi-milliard de francs! Quant aux résultats du groupe, si le secteur des montres enregistre une baisse, les ventes globales ont encore augmenté au mois d’octobre car le marché de la joaillerie se porte très bien. On se souvient que Richemont avait déjà annoncé au début de l’année vouloir biffer entre 300 et 350 postes de travail. La mobilisation des employé·e·s avait permis de limiter la casse au printemps dernier, en n’obtenant «que» 100 licenciements. Donnez la main, on vous prendra le bras…

Richemont est troisième au classement mondial de l’industrie du luxe. Son président du Conseil d’administration et actionnaire principal, Johann Rupert, est un milliardaire sud-africain passionné de golf, de safaris et de voitures de collection.

Sa fortune personnelle est estimée à 10 milliards de francs. Fils du non moins milliardaire Anton Rupert, il a hérité du business familial suite à une scission du groupe Rembrandt, fondé par son père. En 1988, la famille Rupert avait en effet décidé de scinder ses activités en deux, afin de séparer ses activités internationales de la partie la plus sale de son business pour éviter les sanctions qui auraient pu viser le régime d’Apartheid.

D’un côté, la filière du luxe en Suisse avec Richemont ; de l’autre, l’entreprise Remgro active en Afrique du Sud dans la finance, les mines, le pétrole, le packaging… Voilà à quel genre de business et de discutables sont confrontés aujourd’hui les salarié·e·s de Piaget et Vacheron Constantin.

Pas de cadeaux fiscaux pour les requins capitalistes

Le plan de «restructuration» de Richemont n’est rien d’autre qu’un message à l’intention de ses actionnaires. Préserver l’emploi ou augmenter les dividendes? Le choix semble être fait du côté des magnats des montres de luxe.

Quant aux autorités, leur soumission aux intérêts du capital se révèle chaque jour un peu plus. Les défenseurs de la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3) estiment qu’elle est indispensable pour préserver «l’emploi». L’exemple de Richemont tombe à point nommé: l’entreprise sera l’une des principales bénéficiaires de la RIE 3! De qui se moque-t-on?

Les salarié·e·s menacés de licenciements ont demandé aux autorités qu’elles affichent leur soutien inconditionnel et qu’elles s’engagent à tout faire pour préserver les places de travail dans ce secteur phare de l’industrie en Suisse. Une belle occasion de montrer clairement de quel côté elles se trouvent: du côté des patrons milliardaires qui font tout pour accroître leurs bénéfices, ou du côté des employé·e·s qui font les frais de la brutalité du système capitaliste?

A l’heure où nous mettons sous presse, la direction de Richemont n’est toujours pas entrée en matière sur le retrait du plan de restructuration exigé par les salarié·e·s. Des assemblées générales détermineront dans les prochains jours le tournant que prendra la lutte. Des rassemblements de solidarité sont d’ores et déjà prévus dans les trois cantons concernés.

Pendant ce temps, leur Afrikaaner de patron a annoncé qu’il prendra une année sabbatique pour «rester maître de son temps»«Chez Richemont, nous devons le succès de nos Maisons à la passion de nos collaborateurs», clame le site Internet de l’entreprise. Aux côtés des salarié·e·s de Richemont et d’ailleurs, dans les rues et sur nos lieux de travail, c’est avec autant de passion que nous nous battrons contre toutes celles et ceux qui placent leurs profits avant les intérêts des salarié·e·s et des classes populaires.

Marie Nozière