Sommes nous atteints de sinistrose?
Sommes nous atteints de sinistrose?
Bonjour,
Je reçois régulièrement la revue solidaritéS que je lis avec intérêt.
Pourtant, un point que jestime central ne laisse pas de me surprendre, et ce point se manifeste dans de nombreux articles du dernier solidaritéS.
LUniversité de Neuchâtel balise une nouvelle réorganisation des marchés de lélectricité. La taxation des armes contre la faim ne verra jamais le jour. Pas plus que la Taxe Tobin dailleurs. Réforme des retraites avec accélération de la capitalisation. Les femmes visées par la dérégulation et le temps partiel. Laide au développement organisée par lONU qui modèle le monde à son image. Lula qui tourne le dos à ses engagements sous la pression des milieux financiers. Les «sans terre» sont toujours sans terres. Lassurance chômage qui assure moins et moins longtemps. Brider les dépenses des budgets nationaux (donc la répartition sociale) en diminuant les rentrées fiscales
Comment allons pouvoir vaincre ceux den face? Avec quels outils? Avec quelle organisation? Avec quelle stratégie à court, moyen et long terme? Pour faire quoi (par exemple, comment seront gérées les entreprises)?
En manifestant? En étant au gouvernement (alors que les gouvernements cèdent devant les financiers qui disposent, aujourdhui, de moyens de pression autrement plus puissants que ceux des gouvernements)? Le gouvernement Maurois a tenu 2 ans face à la finance. La gouvernement Jospin a essayé de manoeuvrer pour éviter la confrontation avec la finance avec le résultat que lon sait. Lula na pas tenu 100 jours. Comment le faire dans un seul pays à la fois avec les contraintes de la mondialisation?
Merci pour vos réponses.
Ph. VEYRAT
Pourquoi toutes ces mauvaises nouvelles dans notre journal? solidaritéS joue-t-il les Cassandre? Non. Le capitalisme avance à marche forcée: marchandisation, inégalités, oppressions, violences de toutes sortes ne cessent de faire régresser lhumanité. Acquis sociaux, conquête démocratiques, protections de lenvironnement, solidarités élémentaires, rien ne résiste à cette marée montante du profit.
Ce «blitzkrieg» des inconditionnels du marché sexplique en partie par la profonde crise que traversent les mouvements traditionnellement porteurs dalternatives, quils soient réformistes ou révolutionnaires, et ceci depuis au moins deux décennies. Cest cette extrême faiblesse de toute résistance sociale et politique organisée qui a dopé les appétits des multinationales, de leurs principaux actionnaires et des institutions à leur solde.
Cette euphorie des riches et des puissants leur a cependant fait oublier que leurs succès inespérés nourrissaient aussi une révolte montante des salarié-e-s précarisés, des usager-e-s bernés, des paysans maltraités, des retraité-e-s spoliés et des jeunes méprisés. Cest cette révolte montante qui donne aujourdhui une si large audience au mouvement altermondialiste, qui tisse des liens entre ces foyers de résistance naissants.
Cest au coeur de ces luttes, que se forment et saccumulent aujourdhui les forces, les idées, les projets et les moyens organisationnels indispensables à la contre-offensive densemble dont nous avons besoin. Cest pourquoi, sans les mouvements sociaux, les grèves, les mobilisations, les manifestations daujourdhui, la reconstruction dune alternative densemble, dune utopie sociale concrète pour le XXIe siècle est inconcevable.
Si les gouvernements et les majorités parlementaires de «gauche» (et écologistes) plient si facilement devant le diktats des marchés, ce nest pas seulement ni essentiellement parce quils trompent le peuple, cest aussi parce quils prennent la mesure des forces sociales quil leur faudrait appeler à se mettre en mouvement pour offrir la moindre résistance. Ils nen ont ni la volonté, ni lénergie, ni le courage, ni limagination…
Seule une formidable impulsion den bas, alimentée par la volonté convergente de millions et de millions de «résistant-e-s du terrain», est en mesure de donner les conditions dun tel redéploiement politique et social. Lenjeu est dimportance: il ne sagit rien de moins que de la refondation dune gauche politique, syndicale et associative qui lutte pour le renversement du capitalisme, mais aussi pour la construction dun socialisme égalitaire et démocratique, auto-géré par limmense majorité des femmes et des hommes.
Jean BATOU