La fracturation hydraulique empoisonne l'eau potable

C’est finalement en décembre 2016, soit près de 70 ans après les premiers forages à fracturation hydraulique, que la vérité éclate au grand jour: la fracturation hydraulique est néfaste pour l’environnement. Plus une énumération d’évidences qu’une véritable révélation, l’étude commandée par le Congrès américain a le mérite de poser clairement la fracturation hydraulique comme un danger majeur pour les réserves d’eau et l’environnement.


​Scott Pruitt, nommé directeur de l’EPA par Donald Trump, était auparavant avocat du Rule of Law Defense Fund, financé par le lobby des énergies fossiles aux USA, qui combattait toutes les propositions évaluation indépendante par le écarté par l’EPA. – Gage Skidmore

Les réserves d’eau potable sont fréquemment polluées au point d’en empêcher la consommation à proximité des puits d’extraction à fracturation hydraulique. Les quantités d’eau dans les réserves locales diminuent fortement lors d’importantes activités de fracturation. Les eaux utilisées pour la fracturation, contenant de grandes quantités de substances chimiques, sont réinjectées directement dans le sol par les entreprises de forage, ce qui peut contaminer les nappes d’eau souterraines. Les structures soutenant les puits de fracturation ne sont pas suffisamment solides. Voici, en résumé, les constats délivrés par le rapport d’étude de l’Agence pour la Protection de l’Environnement (EPA) aux Etats-Unis.

Une reconnaissance synonyme d’un pas en avant

Une fois remis de cette déferlante de révélations aussi inédites qu’inattendues, on constate néanmoins que l’étude commandée par le Congrès américain dispose d’une solidité scientifique éprouvée, ses conclusions étant basées sur plus de 1200 sources scientifiques, une évaluation indépendante par le conseil scientifique de l’EPA et les informations fournies par les différentes parties prenantes. Le résultat de la recherche effectuée par l’EPA constitue également un pas en avant, puisque jusqu’ici le lien entre les eaux contaminées et les forages n’avait pas été fait. Dans un rapport préliminaire du mois de juin 2015, l’impact de cette technique d’extraction sur la qualité des eaux avait ainsi tout bonnement été écarté par l’EPA. Dans le pays où la fracturation hydraulique est devenue monnaie courante, cette étude est une excellente nouvelle pour les luttes contre ce procédé.

En outre, si les Etats-Unis constituent le fer de lance du développement de la fracturation hydraulique, on sait que de nombreux autres pays, et notamment la Chine, lorgnent sur cette source potentielle de gaz et de pétrole. Tout défaut relevé dans cette industrie représente ainsi une limitation à l’expansion internationale du fracking.

Les revers de la fracturation hydraulique

L’envolée de l’extraction par fracturation hydraulique aux Etats-Unis a commencé il y a une dizaine d’année. En 2000, les USA comptaient en effet environ 26 000 puits, alors qu’ils se monteraient à plus de 300 000 aujourd’hui. En termes de production, cette source représente environ deux tiers du gaz naturel et la moitié du pétrole brut extraits aux Etats-Unis. Ces chiffres illustrent parfaitement la dépendance de la première économie mondiale à la fracturation hydraulique.

Le développement extrêmement rapide de la fracturation hydraulique aux USA comporte cependant deux revers de taille. Le premier est environnemental, comme (enfin) indiqué par le rapport de l’EPA, avec un impact durable sur les réserves d’eaux souterraines. Le second est la «durée de vie» particulièrement courte des puits de gaz et de pétrole non conventionnel. Selon les données de l’Etude Géologique des Etats-Unis (USGS), les principaux puits d’extractions seront ainsi à sec dans les prochaines années. Inutile de préciser que ces projections n’ont pas été prises en compte par les investisseurs de la branche qui voient au contraire un avenir radieux dans la fracturation hydraulique.

Un instrument pour relancer la lutte?

Face aux lobbys des énergies fossiles et aux perspectives d’emplois amenées par l’extraction par fracturation hydraulique, la mobilisation populaire n’a pas été capable pour l’heure d’enrayer l’établissement des puits à travers le pays. La résistance s’est plutôt établie au niveau parlementaire, comme l’illustre le moratoire sur le fracking voté dans l’Etat de New York en 2014. Le véritable obstacle à la fracturation hydraulique aura finalement été la chute du prix du baril, rendant les sources de pétrole non-conventionnel trop chères à l’exploitation.

La publication du rapport de l’EPA pourrait de fait constituer une occasion de relancer la lutte contre la fracturation hydraulique aux Etats-Unis ainsi qu’un appui pour les résistances qui s’élèvent contre ce procédé dans le reste du monde. Malheureusement, la livraison de cette étude coïncide également avec l’arrivée à la Maison Blanche d’une clique de climato-sceptiques qui sont bien décidés à relancer l’industrie du charbon et autres fossiles. Les prochaines luttes pour le climat seront donc confrontées à une politique particulièrement dure et seule une mobilisation populaire massive sera en mesure de remporter des victoires.

Florian Martenot