La bourse ou la vie? - Manifeste pour des retraites dignes, sûres et solidaires

Manifeste pour des retraites dignes, sûres et solidaires

Nous reproduisons ici le texte d’un manifeste visant à donner une réponse de fond à la crise du système des retraites en Suisse. Il s’agit d’un appel lancé et soutenu par des militant·e·s individuels dans lequel notre journal se reconnaît pleinement et qu’il tient à porter à la connaissance de nos lecteurs.trices. La liste des premiers signataires sera rendue publique sous peu.

Mike Cicchetti

Nous sommes confrontés à de multiples attaques qui visent à réduire nos droits sociaux, nos salaires, nos services publics, soit à détériorer nos conditions de vie. Parmi celles-ci, l’une des plus sérieuses et des plus imminentes est le démantèlement de nos retraites. Alors que, pour la majorité d’entre nous, les rentes sont ou seront de plus en plus insuffisantes pour vivre dignement, le gouvernement et les milieux patronaux entendent encore les diminuer massivement. Résultat: nous devrons travailler toujours plus, pour gagner toujours moins. Cette situation n’est pourtant pas une fatalité. Une alternative existe. Il s’agit d’un choix politique…

Non au Plan de Prévoyance 2020

Dans l’immédiat, nous devons nous opposer au nouveau projet de péjoration de nos retraites annoncé par le gouvernement et le parlement. En effet, le Plan de prévoyance 2020, dit Plan «Berset», prévoit entre autres l’élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, la possibilité d’augmenter à 67 ans celle de tous, la diminution des rentes de veuves et la réduction du taux de conversion qui détermine le montant des retraites du 2e pilier. Bref, ce plan cherche à faire payer aux futurs retraité·e·s la casse résultant d’un système injuste et bancal. La préparation d’un large front social capable de porter un référendum fédéral est donc indispensable.

A elle seule, l’opposition au Plan Berset ne permet de répondre ni à l’effondrement programmé du 2e pilier, ni à l’appauvrissement prévisible de nombreux·euses retraité·e·s. Pour sortir de cette situation, nous avons besoin d’une véritable alternative politique au système des trois piliers.

Face à la faillite annoncée du 2e pilier

En effet, le 2e pilier est gravement malade et n’a plus aucun avenir. La capitalisation individuelle est en effet très sensible à la baisse de rendement des placements à long terme sur les marchés financiers, qui se traduit par un effondrement des rendements de la fortune des caisses. Par ailleurs, elle ne permet ni l’indexation des rentes au coût de la vie, ni la solidarité indispensable entre les assuré·e·s. le niveau des rentes ne peut donc pas être garanti par un tel système. Ainsi, chaque assuré·e se retrouve seul face aux aléas de la finance internationale. Et ce ne sont pas les réformes appliquées au 2e pilier depuis une quinzaine d’années qui vont «sauver ce sytème», alors qu’elles ont déjà fait chuter de moitié le niveau escompté de nos rentes. Il faut le dire: le 2e pilier est dangereux, injuste et menace la pérennité de notre prévoyance vieillesse.

Bien au contrraire, l’AVS a toujours garanti ses prestations statutaires, ceci depuis sa fondation en 1948. En effet, elle est fondée sur le système de répartition, où les personnes actives financent les rentes de leurs aîné·e·s, qui n’est pas sensible aux fluctuations boursières. Le financement de l’AVS est lié aux revenus des actifs·ves et garantit donc des prestations en rapport avec les salaires et autres revenus, ce qui permet de garantir le niveau des rentes. De plus, l’AVS est fondée sur la solidarité puisque le plafonnement des rentes permet aux plus aisé·e·s de participer au financement de celles des plus défavorisé·e·s.

Intégration du 2e pilier à l’AVS

La comparaison entre les deux systèmes aboutit à une conclusion évidente: l’avenir de notre prévoyance vieillesse exige le passage à un système fondé essentiellement sur la répartition. C’est le seul moyen d’assurer des retraites dignes et garanties pour toutes et tous,. Afin de réaliser un tel objectif, l’intégration du 2e pilier dans l’AVS est le chemin le plus réaliste. Celle-ci permettrait de garantir des rentes fixées à 80 % du dernier salaire avec un plancher de 4000 francs et un plafond de 9000 francs par mois, tout en assurant leur indexation.

Cette fusion fonctionnerait sur la base de la répartition (les actifs·ves finançant les retraites), complété par le rendement d’un fonds de réserve alimenté par les fortunes du 2e pilier et de l’AVS. Avec un taux de cotisation identique à ceux de l’AVS et du 2e pilier, complété par un modeste rendement du fonds de réserve (2 %), une simulation financière démontre que nos objectifs sont parfaitement réalistes. Bien entendu, les prestations acquises seraient garanties et le retrait du capital cotisé resterait possible, notamment en cas de départ à l’étranger. Ce projet d’intégration du 2e pilier à l’AVS représente la meilleure réponse à long terme au Paquet Berset et à la dégradation de nos retraites.

En signant ce manifeste, nous appelons l’ensemble des travailleurs·euses, les syndicats, les associations et les partis à se mobiliser pour garantir des retraites dignes et solidaires à toutes et tous, notamment:

  • en combattant le plan de Prévoyance Vieillesse 2020 par tous les moyens, notamment par le lancement d’un référendum ;
  • en œuvrant au lancement d’une initiative en faveur de l’intégration du 2e pilier à l’AVS, qui pourrait garantir une retraite décente et sûre pour tous/toutes correspondant à 80 % du dernier salaire, avec un minimum garanti de 4000 francs et un maximum de 9000 francs par mois.

Sept raisons de soutenir l’intégration du 2e pilier à l’AVS

La droite présente le système suisse des retraites comme un malade qui a besoin de soins. Il ne pourrait pas affronter la hausse de l’espérance de vie et l’augmentation du nombre de pensionné·e·s par rapport aux actifs·ves. Les remèdes proposés par le Paquet Berset (prévoyance 2020) sont l’augmentation de l’âge de la retraite (celle des femmes à 65 ans pour commencer, puis celle de toutes et tous à 67 ans), la diminution des rentes de veuve, la réduction du taux de conversion (qui fixe le montant des retraites du 2e pilier) et l’augmentation de la TVA.

Soigner un malade, ça coûte, et ce sont les salarié·e·s et les retraité·e·s qui devraient passer à la caisse!

En réalité, ce n’est pas notre système de retraites qui est malade, mais le 2e pilier, raison pour laquelle il est urgent de l’intégrer à l’AVS, ce qui permettrait d’assurer le maintien des avantages acquis, une amélioration importante des rentes pour toutes et tous, et leur totale déconnection des aléas des marchés financiers. Voici sept raisons d’aller au plus vite dans ce sens:

1. Le 2e pilier menace de s’effondrer

Depuis 2002, une série de mesures ont été prises, soi-disant pour sauver le 2e pilier: diminution du taux de conversion, création de réserves pour fluctuations de valeurs, diminution du taux de rendement minimum, diminution du taux technique… Le résultat de ce traitement de choc pour un assuré âgé de 40 ans en 2002, c’est qu’il recevrait la moitié de ce qu’on lui promettait alors à 65 ans en 2027!

Et ça continue… La dégringolade du 2e pilier ne cesse de s’accélérer en raison des mauvaises performances des marchés financiers à long terme et des taux d’intérêt négatifs sur les placements en francs suisses.

2. Il est antisocial et précaire

Il individualise la prévoyance vieillesse, puisque chacun·e accumule un capital qui financera sa retraite. C’est le chacun pour soi qui exclut toute solidarité.

Il fait assumer au seul assuré les risques liés au rendement du capital: d’où le passage inévitable de la primauté des prestations (retraite calculée en proportion du salaire) à la primauté des cotisations (retraite aléatoire dépendant des rendements du capital).

Il ne peut garantir l’indexation des rentes à l’évolution du coût de la vie en période d’inflation.

Il permet de manipuler le niveau des rentes en réduisant le taux de conversion (rapport entre le capital accumulé et la pension servie).

3. L’AVS maintient ses prestations

Depuis sa fondation, en 1948, l’AVS a toujours garanti ses prestations statutaires.

En 1997, le Conseil fédéral annonçait 15 milliards de déficits pour l’AVS à l’horizon 2010, alors qu’elle a bouclé sur un bonus de 1,8 milliards. L’augmentation de l’espérance de vie est une réalité, mais elle est 4 fois inférieure à l’augmentation moyenne des richesses créées en Suisse chaque année! Affirmer qu’on n’a plus les moyens de payer les retraites est une imposture.

4. Elle est solidaire et sûre

L’AVS est fondée sur «la répartition»: vu que les actifs·ves financent les rentes des ainé·e·s, elle n’est pas touchée par les fluctuations boursières. Son financement est lié aux revenus des actifs·ves et garantit la primauté des prestations (retraite calculée en proportion du salaire).

Elle est fondée sur la solidarité: limitation de la rente maximum, qui permet aux riches de participer au financement des rentes des moins riches.

En période d’inflation, l’indexation des salaires des actifs·ves au coût de la vie, et donc de leurs cotisations, permet de garantir celle des rentes.

5. Le financement de notre modèle d’intégration du 2e pilier à l’AVS

La comparaison entre le 2e pilier et l’AVS aboutit à une conclusion évidente: il est urgent d’intégrer le premier à la seconde. Mais comment? En ne cotisant tout pour l’AVS et en intégrant la fortune accumulée du 2e pilier à son fond de compensation actuel (voir tableau).

Notre modèle serait donc financé à plus de 76 % par la répartition (ce taux ne cessant de croître avec celui des revenus sur lesquels portent les cotisations), à 13 % par l’impôt, et à 11 % par le rendement de la fortune. A noter que la «part employé» et la «part employeur» sont actuellement de 50 % chacune pour l’AVS, et en moyenne de 60 % pour l’employeur et de 40 % pour l’employé pour la PP. D’où une répartition de 56 % pour l’employeur et de 44 % pour l’employé dans un système intégré maintiendrait inchangé le taux d’effort des deux parties.

6. Les prestations de notre modèle d’intégration du 2e pilier à l’AVS

Avec des recettes totales de 142,14 milliards de francs, notre modèle d’intégration du 2e pilier à l’AVS permettrait de garantir une rente minimale individualisée de 3800 francs pour toutes et tous, plafonnée à 9500 francs (soit 2,5 fois plus). Entre les deux, il servirait des rentes correspondant à 80 % du dernier salaire. Et d’après nos simulations sur les dernières données disponibles, il dégagerait encore plusieurs milliards de francs d’excédents.

Ce système garantirait donc des retraites très supérieures et infiniment plus sûres qu’aujourd’hui, tout en conservant les avantages acquis pour le très petit nombre de pensionnés qui reçoivent plus de 9500 francs de l’AVS et de la PP. Il permettrait aussi le retrait du capital accumulé dans le 2e pilier à certaines conditions, notamment le départ à l’étranger (avec une réduction des prestations équivalant à celle prévue par les caisses actuelles).

7. Notre projet répond au mandat constitutionnel

L’AVS doit «couvrir les besoins vitaux de manière appropriée» (art. 112), et «la prévoyance professionnelle conjuguée avec l’AVS permet à l’assuré de maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur» (art. 113). L’intégration du 2e pilier à l’AVS répond pleinement à ces deux mandats constitutionnels, et ceci sur le long terme.

Les recettes du système intégré (en milliards de francs)
Cotisations paritaires (AVS 11,25 % + PP 17 % = 28,25 %) 108,51
Subventions de la Confédération (AVS-AI + 50 % PC) 17,51
Rendement de la fortune cumulée au taux de 2 % (AVS + PP) 15,22
Apport de la TVA 0,81
TOTAL 142,14