Mexique

Mexique : Manifestations massives contre l'augmentation du prix de l'essence

L’entrée en vigueur le 1er janvier 2017 d’une augmentation du prix de l’essence et du diesel a mis le feu aux poudres. Depuis, des manifestations importantes se déroulent dans plusieurs Etats du Mexique. Un premier point sur la situation.


Adrian Martinez

En octobre 2016, le Sénat mexicain avait approuvé la libération graduelle des prix de l’essence et du diesel à partir du 1er janvier 2017 pour économiser les coûteuses subventions publiques permettant jusqu’ici de contrôler la hausse du prix de ces produits. Cette augmentation (16 à 20 %), a littéralement mis le feu aux poudres. Depuis cette annonce, des manifestations ont lieu et se poursuivent dans plusieurs régions du Mexique.

Une situation explosive

Manuel Aguilar Mora, dirigeant de la Liga de Unidad socialista (l’une des organisations sympathisantes de la IVe Internationale au Mexique) commentait ainsi la situation explosive suscitée par l’annonce présidentielle: «Le climat de mal-être social croissant et l’accumulation constante des problèmes laissent entrevoir une crise politique d’envergure pour 2017 et surtout en 2018 (l’année des élections présidentielles). Devant une telle provocation, il est logique d’attribuer à la figure présidentielle un rôle d’incendiaire. Comment un tel manque de sensibilité peut-il exister au sommet du pouvoir? La réponse tient en une phrase: le gouvernement agit avec la certitude que ses politiques ne rencontreront pas une grande opposition» (rebelion.org).

Une lourde erreur selon Manuel Aguilar Mora: «Les protestations ont commencé dès le 31 décembre et il y en avait déjà eu auparavant, particulièrement dans les Etats de Sonora et de Basse Californie, où les hausses ont été imposées dès le 1er janvier. De nombreux automobilistes commencèrent à faire la queue dans les stations d’essences de villes comme México et Monterrey. D’autres ont encerclé ces stations pour empêcher la vente d’essence. La pénurie commence déjà à être évidente dans plusieurs Etats, dont celui de Michoacán. La première manifestation à Mexico, le 1er janvier, s’est déroulée sur la place du Zócalo. On y a entendu le vieux slogan de la lutte contre la privatisation du pétrole: ‹ Pays pétrolier et un peuple sans argent ›. Les automobilistes ne seront pas les seuls affectés (dans la vallée de México, 5 millions d’automobiles circulent), car l’augmentation du prix de l’essence touchera toute l’économie et déclenchera une spirale inflationniste. Pour les prochains jours de janvier, des manifestations sont annoncées dans d’autres Etats, notamment à Guanajuato et à Veracruz».

Des appels à la démission du président Peña Nieto

Dans les manifestations, qui ont débuté le 1er janvier, on a pu voir des pancartes et entendre des consignes demandant la démission du président Peña Nieto. «Nous devons chercher à imposer un jugement politique contre le président, parce que nous pensons que tout ce qu’il a fait l’a été contre le peuple. Nous voulons la destitution de Peña Nieto», a déclaré un manifestant, qui indiquait à l’agence EFE être venu manifester en raison de son désaccord avec la politique du président. Peña Nieto, a pour sa part dit comprendre la colère des Mexicain·e·s contre le gasolinazo, mais il a affirmé que cette mesure avait été prise «pour la stabilité de l’économie».Simultanément, le secrétariat d’Etat à la présidence annonçait l’arrestation de 250 manifestant·e·s (des chiffres bien supérieurs ont été annoncés dans la presse mexicaine). Par ailleurs, plusieurs morts sont déjà à signaler dans différentes régions du Mexique.

Le début d’un mouvement d’ensemble?

Cette répression n’a toutefois pas empêché une nouvelle manifestation à la place du Zócalo (México), le 7 janvier. Rassemblant des milliers de manifestant·e·s, la mobilisation a pu compter sur la participation de l’Alliance des travailleurs de la santé et de la fonction publique, de l’Union nationale des techniciens et des professionnels des Pétroles mexicains, des étudiant·e·s de l’Institut polytechnique nationale ainsi que du père Alejandro Solalinde [ndr: prêtre catholique connu au Mexique pour son engagement social, notamment en faveur des migrant·e·s].

Au début de la marche, le père Alejandro Solalinde a lancé un appel à la société pour que celle-ci cesse d’avoir peur et agisse pour se rendre indépendante de ces mauvais gouvernements, indiquant que le Mexique lui appartenait et qu’elle devait le reconquérir. De manière spontanée, des milliers de manifestant·e·s se sont ensuite rassemblés devant le Palais national, en criant «Dehors Peña», «Démission», «Nous n’avons pas peur».

Parmi les manifestations qui se sont déroulées dans tout le Mexique, signalons celles qui se sont déroulées dans l’Etat du Chiapas – là où est apparue au grand jour le 1er janvier 1994 l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN). Le samedi 7 janvier, plusieurs milliers de personnes ont ainsi manifesté dans plusieurs villes du Chiapas pour protester contre le gasolinazo et exiger «l’annulation des réformes structurelles qui bafouent les intérêts du peuple mexicain».

Pour Manuel Aguilar Mora, «début 2017, tous les signaux annoncent des jours-clé qui définiront l’orientation du Mexique». Les manifestations actuelles déboucheront-­elles sur un mouvement d’ensemble, mettant en crise terminale le système politique mexicain?

Hans-Peter Renk