Fessenheim

Fessenheim : Une fermeture de bon rapport

La centrale atomique de Fessenheim est symbolique à plusieurs titres. Plus ancienne centrale en activité en France, promise à une fermeture définitive par le futur ex-président Hollande, elle illustre les errements et les promesses non respectées de l’actuelle majorité, incluant des ministres « Vertes ».


Rassemblement pour la fermeture de Fessenheim, Colmar, 2009 – Nouara Aci Scalabre

Mise en service en 1977, la centrale de Fessenheim se compose d’un double réacteur. A proximité des frontières suisses et allemandes, une population de plus d’un million d’habitants se regroupe dans un rayon de trente kilomètres autour du site. Bref, l’endroit idéal pour construire une centrale atomique, exposée en outre aux risques d’inondation et de secousses sismiques.

L’indemnité de l’Etat pour la fermeture n’est pas mince: 446 mil­lions d’euros. En réalité, il s’agit d’une aide publique à EDF (Electricité de France), qui est à la peine avec son parc en activité (pannes, révisions) et surtout avec la construction et la mise en route de la nouvelle génération de réacteurs atomiques EPR. L’Etat français est actionnaire à 85% d’EDF. Pourquoi ne décide-t-il pas la fermeture pure et simple du site? L’accord de gouvernement entre le Parti socialiste et les écologistes, conclu en 2011, prévoyait explicitement «la fermeture progressive de 24 réacteurs, en commençant par l’arrêt immédiat de Fessenheim». Le terme était « immédiat », mais sans indemnité. D’ailleurs, pourquoi faudrait-il indemniser la non-­poursuite d’une activité industrielle présentant un tel risque? Et produisant des déchets hautement radioactifs? Sans compter le coût financier du démantèlement et de la surveillance du site, et le coût social résultant de l’absence d’une reconversion industrielle de la région et de son bassin d’emplois.

Le tout nucléaire toujours là

Ce montant de 446 millions ne servira pas à financer une reconversion du mode de production énergétique. EDF reste fidèle au modèle mis en place dans les années 70. Production d’électricité atomique, visant un marché domestique, notamment par le « choix » du système de chauffage à l’électricité. Ainsi, EDF avait un marché national captif, justifiant la poursuite de l’expansion du parc des réacteurs. Ce choix politique est toujours confirmé par l’actuel PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, qui veut remplacer le parc existant par «trente à quarante» EPR, entre 2030 et 2050. L’indemnité de 446 millions représente ainsi une prime au choix du nucléaire.

Ces déclarations et le vote de l’indemnité et des conditions liant la fermeture de la centrale de Fessenheim éclairent aussi le manque de volonté de l’actuel gouvernement de respecter les lois qu’il a lui-même proposées et votées. En plus de la rondelette indemnité, EDF a obtenu le prolongement du délai de l’autorisation de création du réacteur EPR à Flamanville, qui arrivait à échéance en avril. Les retards successifs de ce chantier, preuves accablantes des incertitudes et des difficultés énormes posées par la construction des nouvelles centrales, rendent impossible sa mise en service avant fin 2018. Tant que cette centrale ne sera pas opérationnelle, Fessenheim continuera de fonctionner!

Autre garantie obtenue par EDF pour cet arrêt « immédiat », le redémarrage du réacteur nº 2 de la centrale de Paluel, arrêté en mai 2015 après plusieurs incidents. Dans ce cas aussi, l’actuel gouvernement applique avec beaucoup de largesse la loi sur la transition énergétique. Cette loi prévoit qu’un réacteur arrêté plus de deux ans peut être définitivement mis hors service. Mais le gouvernement peut prolonger cette durée d’arrêt de trois ans.

Avec ces décisions, le doute s’installe quant à l’engagement contenu dans la loi sur la transition énergétique d’août 2015 (donc avant la COP 21 de Paris) de réduire la part de l’atome à 50% dans la production d’électricité. Cette loi impose le plafonnement de la puissance du parc de réacteurs atomiques à son niveau actuel. Ainsi EDF peut mettre en activité de nouvelles unités en remplacement d’anciennes installations. Les atomes et les radiations ont beaucoup de beaux jours devant eux!

Une reconversion nécessaire

Au conseil d’administration de EDF, les représentants des syndicats de travailleurs ont voté contre la fermeture. Pour le syndicat CGT, cette décision serait «un gâchis historique». Au contraire, la fermeture serait une chance historique de reconversion dans de nouvelles technologies, de production, de transport, de régulation et d’économies d’énergie. Plutôt que de verser 446 millions à EDF, l’Etat pourrait consacrer cette somme (et plus si nécessaire) à un plan de reconversion professionnelle et technologique de la région et de sa population, afin de rompre la dépendance infernale à l’atome sous sa forme actuelle.

A l’échelle de la France, un autre plan encore plus ambitieux est tout aussi urgent. La transformation du système de chauffage et l’amélioration des capacités d’isolation thermique. La très grande consommation d’électricité à des fins de chauffage est la conséquence directe des décisions gouvernementales de trouver un débouché assuré pour la production issue de la filiale atomique. Cette politique doit être impérativement et rapidement retournée. Les investissements seront pris sur les sommes prévues pour améliorer la sécurité du parc atomique actuel (estimé à 50 milliards pour le carénage des réacteurs). Ces travaux d’assainissement écologiques constitueraient une source d’emplois décentralisés, et seraient le meilleur argument pour diffuser les préoccupations écologiques dans tous les secteurs de la société.

José Sanchez