A lire

A lire : Pensées d'hier pour demain

En 2003, les éditions du CETIM ont lancé une nouvelle collection, « Pensées d’hier pour demain », avec une première série consacrée à l’Afrique et aux Caraïbes. Notre rédaction s’est entretenue avec Florian Rochat, l’un des responsables de cette initiative.

La collection propose des recueils de textes de divers dirigeant·e·s politiques. Pourquoi, quels en sont les objectifs?

La collection se présente elle-même par ces quelques lignes: «Face au défi de reconstruire une stratégie d’opposition et de changement, d’élaborer des orientations pour une lutte d’ensemble, on ne part pas de rien. On peut apprendre beaucoup des succès et des échecs passés et il est indispensable de resituer les combats dans la longue durée, les événements dans l’histoire. L’objectif de cette collection est de mettre à la disposition du public, jeune notamment, une synthèse de la pensée politique de différents auteurs, hommes et femmes aujourd’hui décédés, qui ont tous été à la fois des acteurs politiques ‘progressistes’ de premier plan et des chercheurs et penseurs préoccupés de transformation sociale radicale.»

Leur nom, leur rôle dans les luttes anticoloniales sont souvent bien connus, leur pensée beaucoup moins. Quelques-un·e·s ont écrit de nombreux ouvrages, d’autres ont surtout prononcé des discours. Et généralement, il y a déjà quelques décennies… Rares sont les militant·e·s qui les ont en tête. C’est l’occasion d’en lire ou relire les extraits les plus significatifs qui sont souvent d’une surprenante actualité et porteurs d’avenir, pour qui sait les aborder de façon critique et en situer le contexte. L’introduction, d’une quinzaine de pages, est là pour ça.

Tous ces ouvrages sont d’un format de poche identique, 96 pages. Ils se veulent faciles à lire, une incitation à aller plus loin, à en savoir plus. Chaque recueil se termine par une petite bibliographie.

Quels ont été les auteurs jusqu’ici présentés?

Dans l’ordre de leur parution:

  • Patrice Lumumba, le héros de l’indépendance congolaise ;
  • Le Martiniquais Frantz Fanon, auteur entre autres de Peau noire, masques blancs et des Damnés de la terre, mais aussi militant de la cause algérienne ;
  • Mehdi Ben Barka, nationaliste marocain, acteur clé de l’organisation de la Conférence de solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, la Tricontinentale (La Havane, janvier 1966), qui s’est tenue quelques semaines après son enlèvement à Paris ;
  • Amilcar Cabral, dirigeant historique du mouvement pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert ;
  • Thomas Sankara, animateur de la révolution « démocratique et populaire » qui a changé jusqu’au nom de son pays, le Burkina Faso, avant d’être éliminé comme on sait ;
  • Julius Nyerere, le « Père de la nation tanzanienne » affectueusement surnommé Mwalimu (l’instituteur) ;
  • Kwame Nkrumah, celui qui a conduit le Ghana vers l’indépendance, mais dont on retiendra peut-être surtout le combat infatigable pour l’unité africaine ;
  • Joseph Ki-Zerbo, moins connu pour son action politique que comme « intellectuel organique » de la lutte des Africains pour la récupération de l’histoire du continent.

Y a-t-il d’autres ouvrages en préparation?

Oui, l’un sur le Camérounais Ruben Um Nyobe, syndicaliste et membre fondateur de l’Union des populations du Cameroun (UPC), assassiné par l’armée française peu avant l’indépendance et la réunification du pays ; l’autre sur Abdel Nasser, le président égyptien qui nationalisa le canal de Suez, un partisan résolu d’un pan-arabisme « socialiste », progressiste… et dont les portraits commencent à refleurir en Egypte! D’autres suivront sans doute et une nouvelle série sur l’Amérique latine est en projet.

A regarder les titres parus, cela ne fait pas beaucoup de femmes!

Effectivement, et cela pose problème. Mais il faut dire que, si les femmes ont largement participé à toutes ces luttes, et certaines en premières lignes, elles sont souvent moins connues. De celles qui sont aujourd’hui décédées, peu ont par ailleurs écrit des textes généraux « théoriques ». Parfois, comme Giséle Rabesahala (Madagascar) par exemple, des « mémoires » passionnants, qui laissent entrevoir l’importance de leur rôle et l’héroïsme de leur combat, mais dont il est difficile de tirer suffisamment d’extraits se prêtant à ce type d’ouvrages. L’Egyptienne Fawsy Rossano, auteure en particulier de Mémoires d’une militante communiste et du Soudan en question et proche camarade d’Henry Curiel, pourrait cependant s’ajouter à la liste prochainement…

Justement, qui choisit les auteur·e·s en revue et les introducteurs ou introductrices?

Dès le début nous avons constitué un « Comité de pilotage »: des militant·e·s et chercheurs·ses chevronnés, comme Nils Andersson, Demba Moussa Dembele, Aziz Fall, Mireille Fanon-Mendès France, Gustave Massiah, Jean Peutêtre M’Pélé, Samir Amin, Yash Tandon, en font partie. Le comité suggère des noms, y compris pour la rédaction des introductions. On veille ensuite à ce que des noms bien connus en côtoient d’autres qui le sont moins, à ce qu’une certaine répartition géographique, linguistique, culturelle soit respectée, etc. Quant aux introducteurs et introductrices, qui concourent également au choix des textes, ce sont des personnes qui ont déjà pas mal écrit sur le sujet et qui partagent, globalement, un même regard sur le monde et les nécessités de la lutte. Certaines rejoignent ensuite ledit comité et toutes restent généralement associées au projet.

Dernière question, où peut-on se procurer ces livres?

Selon la formule consacrée, « dans toutes les bonnes librairies ». Mais, plus facilement pour les premiers en tout cas, au CETIM. Profitez-en: actuellement les huit sont offerts pour le prix de six, soit 66 francs pour la collection!

Propos recueillis par notre rédaction

CETIM
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