Sans-papiers

Sans-papiers : Des milliers de régularisations, enfin!

Des milliers de personnes sans statut légal, sur les quelque 13 000 estimées à Genève, vont être régularisées grâce à l’opération baptisée «Papyrus», rendue publique le 21 février dernier.

Il aura fallu  près de 15 ans, depuis les premières assemblées générales et mobilisations de personnes sans statut légal, pour aboutir à ce projet, négocié depuis des mois dans le plus grand secret entre autorités cantonales, fédérales, associations de défense des sans-papiers et syndicats.

Ainsi, les familles qui résident depuis au moins cinq ans dans le canton – dix ans pour les célibataires – pourront obtenir un permis B, pour autant qu’elles satisfassent un certain nombre d’autres critères tels que l’indépendance financière, un niveau de français suffisant ou encore un casier judiciaire vierge.

Jusqu’à présent, aucun critère précis n’existait en matière de régularisation. Chaque personne qui entamait la démarche courait le risque d’essuyer un refus et, in fine, d’être renvoyée. Le règne de l’arbitraire et de l’hypocrisie touche-t-il à sa fin?

C’est indéniablement une avancée majeure, pour les clandestin·e·s qui remplissent les critères de Papyrus. Ces travailleuses et travailleurs de l’ombre, qui occupent souvent les emplois les plus précaires, ainsi que leurs enfants, souvent nés et scolarisés à Genève, verront enfin leurs droits reconnus.

Papyrus comporte également un volet de lutte contre le travail au noir, qui touche bon nombre de personnes sans statut légal. L’OCIRT (Office cantonal de l’inspection et des relations du travail), pleinement associé à ce projet, renforcera les contrôles afin de faire respecter les conditions de travail minimales obligatoires dans les secteurs concernés, en particulier l’économie domestique, l’hôtellerie-restauration et la construction. L’amélioration des conditions de vie et de travail pour ces milliers de personnes sans statut légal est donc, par les temps qui courent, extrêmement réjouissante.

Nécessaire mais pas suffisant

Il s’agit toutefois d’un premier pas nécessaire mais non suffisant vers la reconnaissance des droits de toutes les personnes migrantes qui résident en Suisse. Celles et ceux qui ne remplissent pas les critères continueront de vivre dans la précarité et la peur. Le magistrat en charge du dossier, le PLR Pierre Maudet, a insisté sur l’importance d’une politique migratoire appliquée avec «humanité et fermeté». Humanité pour celles et ceux qui vivent et travaillent ici depuis des années, qui ne recourent pas aux aides sociales et qui peuvent montrer patte blanche. De « bons » migrant·e·s, en somme. Quant aux autres, qu’elles·ils galèrent encore quelques années en nettoyant nos foyers ou en faisant couler nos cafés dans les bistrots. Patience, le précieux sésame se mérite!

Rappelons que les détenteurs·trices de permis B ou C risquent de perdre leur titre de séjour s’ils·elles recourent trop longtemps aux aides sociales ou même au chômage. Quant aux requérant·e·s d’asile, à toutes celles et ceux qui ont fui la misère et la guerre au péril de leur vie, aucune lueur d’amélioration à l’horizon puisqu’elles·ils n’ont pas accès à Papyrus. Ceci alors que la réforme de l’asile, fermement appliquée à Genève par Pierre Maudet, durcit dramatiquement les conditions d’obtention des permis et que les renvois en augmentation (+ 79% entre 2012 et 2015) poussent de plus en plus de réfugié·e·s dans la clandestinité.

Le chemin est encore long avant d’obtenir les régularisations collectives réclamées dans les années 2000, avant que la Suisse ne remplisse la revendication pourtant évidente: « un travail = un permis ». Dans d’autres cantons aussi, le pas des régularisations doit être franchi. Au parlement vaudois, le député de solidaritéS Jean-Michel Dolivo a d’ores et déjà déposé une interpellation en ce sens. Les tessinois·e·s du Movimento dei senza voci (« Mouvement des sans-voix ») cherchent également à emboîter le pas. L’incertitude plane aussi sur le futur de l’opération genevoise. Les autorités l’ont pour le moment limitée à fin 2018. A Genève et partout ailleurs, nous continuerons de lutter pour les droits de toutes les personnes migrantes sans distinction.

Marie Nozière