25 mars - Berne

25 mars - Berne : Plus de 5000 personnes pour la liberté, la paix, l'état de droit et la démocratie en Turquie

Suite à cette manif sur la Place fédérale, les médias ont fait le jeu de la propagande d’Erdogan en évoquant principalement la banderole avec le message «Kill Erdogan with his own weapons!» Cette focalisation a servi à occulter les dynamiques bien plus importantes de ce moment de solidarité.

Uca Feleknas, figure emblématique du parti HDP de Diyarbakir et ex-députée au Parlement européen, s’est exprimée avec courage sur la répression politique et les massacres au Sud-Est de la Turquie.

Feleknas a plaidé pour la démocratie et la paix. Elle a appelé à libérer les élu·e·s détenu·e·s, à lutter pour la liberté des femmes et pour l’autonomie des minorités et des Kurdes. Elle a conclu sur un non à l’introduction d’un système présidentiel le 16 avril. Pour ces paroles, elle risque sa vie!

Au nom de solidaritéS, la soussignée a aussi rappelé que les Suisses n’ont pas de leçons de démocratie à donner. Si en Turquie, la violence du néolibéralisme et du sexisme s’accompagne d’une forte répression d’Etat, en Suisse un consumérisme aveugle cherche à nous rendre apathique face à ces injustices!

En tant que femme de gauche, je sais que celles-ceux qui sont réprimés aujourd’hui en Turquie partagent pour part nos condition et nos luttes. J’ai donc appelé à voter non le 16 avril et enjoint au Conseil fédéral de condamner la guerre du gouvernement turc contre les Kurdes, ainsi que de demander le retour des institutions démocratiques et de l’état de droit en Turquie.

Aujourd’hui, nous devons continuer à défendre nos rêves, nos vies et nos désirs en solidarité avec nos ami·e·s kurdes et turcs·ques!

Manuela Honneger

(qui a aussi signé l’appel à la manif paru en p. 9 de notre dernier numéro)


Eloge du tyrannicide?

Après la manifestation du 25 mars, la «justice» turque et la ville de Berne ont déposé plainte pénale contre une banderole montrant Erdogan, avec un pistolet pointé sur sa tempe et le slogan «Kill Erdogan with his own weapons». Un appel clair au tyrannicide du sultan de Turquie.

Mais les chats fourrés de la justice turco-bernoise auraient bien du travail pour coffrer tous les auteurs de ce délit supposé. Car la théorie du tyrannicide a une longue histoire: au 16e siècle, le jésuite espagnol Juan de Mariana en défendait la légitimité.

Dans une lettre au président français Grévy (1884), un vieux Communard rappelait: «Au fond de tout Capitole, il y a une tête de roi: Athènes a tué Pisistrate; Rome Tarquin; la Suisse Gessler; l’Angleterre Stuart [Charles Ier] et la France Capet [Louis XVI]» (Félix Pyat, Contre la présidence, pour le droit au régicide)

Léon Trotsky notait ironiquement, dans Leur morale et la nôtre (1938): «Les bourgeois conservateurs suisses décernent encore des éloges au terroriste Guillaume Tell». A noter que celui-ci est toujours statufié à Altdorf dans le canton d’Uri…

Pourtant, tuer le tyran n’implique pas forcément tuer la tyrannie. Dans les années 1880, le marxiste russe Plekhanov disait aux populistes de la Narodnaja Volja (Volonté du Peuple): «Vous tuerez Alexandre II, un autre tsar viendra avec un autre numéro». Le régime tsariste ne fut pas liquidé par l’exécution d’Alexandre II (1881), mais par le soulèvement des ouvrier-éres de Petrograd le 8 mars 1917.

Hans-Peter Renk