On ne lâche rien!
Le samedi 1er mai 1886, 340 000 salarié·e·s paralysaient près de 12 000 usines dans un mouvement de grève d’une ampleur historique aux Etats-Unis. Au centre des revendications, la journée de 8 heures. Trois ans plus tard, le Congrès de l’Internationale socialiste décide de faire de ce 1er mai une journée de lutte internationale des travailleurs·euses. Quelques 128 années plus tard, en Suisse, quel sens peut-on encore donner à une telle journée?
Le 1er mai a, au fil des années, perdu son caractère revendicatif pour devenir une simple fête des travailleurs·euses. Une commémoration où la saucisse a supplanté l’action directe et la bière les discours enflammés. Une érosion de la combativité qui entre de plus en plus en contradiction avec la dureté de la réalité que nous vivons toutes et tous.
Stagnation ou baisses des salaires, licenciements massifs, augmentation du prix des loyers et des primes d’assurance maladie sont autant de maux que nous subissons et qui s’ajoutent à la réduction des protections sociales, à l’augmentation de la pauvreté, au durcissement des lois racistes, et à la montée de la xénophobie. En d’autres termes, l’accélération et le durcissement des politiques néolibérales concoctées par nos gouvernements impactent toujours plus durement une partie toujours plus importante de la population. Cette dégradation des conditions d’existence de la majorité constitue le terreau fertile des mouvements réactionnaires et autoritaires qui s’imposent un peu partout dans le monde.
Face à ces cris d’alarme, face à la menace qui pèse chaque jour un peu plus sur chacun·e d’entre nous, il devient urgent de reconstruire un horizon stratégique, un projet qui sache remettre au centre l’humain dans sa dimension sociale, mais aussi économique, écologique et émotionnelle. Il nous faut donc construire, nous les 99%, un projet de rupture qui repose entre autres les questions de la répartition des richesses, du partage du temps de travail, de la solidarité, des rapports de genre, mais aussi de l’exploitation de la planète.
Une telle ambition ne pourra se concrétiser qu’à travers des luttes communes, des espaces collectifs de résistance, mais aussi d’expérimentation et de création. Il est dès lors indispensable de refaire de cette journée du 1er mai un réel moment de lutte collective, capable de dessiner une alternative, un horizon possible pour l’immense majorité de la population. Le 1er mai doit être le lieu de cette dynamique, de ce partage combatif.
Aujourd’hui, de nombreuses luttes sont menées pour de nobles et justes causes, mais rares sont les victoires qui nous permettent de construire une alternative politique portée par de larges pans de la société. Cette année, une bataille nous est imposée par la bourgeoisie de ce pays, à savoir la réforme des retraites « Prévoyance Vieillesse 2020 ». Cette bataille, malgré sa nature institutionnelle, est d’un intérêt crucial du point de vue des travailleurs·euses puisqu’elle permet de thématiser des éléments centraux, tels que: partage et abaissement du temps de travail, partage des richesses, égalité entre femmes et hommes, solidarité intergénérationnelle, etc.
Ce 1er mai représente donc une double occasion. Tout d’abord celle de reprendre la rue et la lutte ensemble, dans tous les cantons de Suisse en portant des revendications claires et précises. Mais c’est aussi l’occasion de commencer un combat qui peut nous mener à une de ces rares victoires qui consolidera notre camp, celui des 99%. En nous battant et en nous organisant contre la réforme PV 2020, nous avons la possibilité d’infliger une défaite de fond à la bourgeoisie de ce pays, et d’ainsi, expérimenter une lutte collective et victorieuse.
Mener ce combat et relever le défi que nous lancent les élites de ce pays, est une nécessité pour la construction d’un rapport de force favorable aux intérêts de la majorité de la population. Cependant, que cela soit dans la rue où sur nos lieux de travail, que cela soit par la grève, les manifestations où par la voie référendaire, que cela soit par les luttes institutionnelles où des mobilisations spontanées, ce n’est qu’en unissant nos forces et en cherchant à dépasser nos contradictions apparentes ou réelles que nous pourrons créer une gauche de combat à même de gagner. Nous vous proposons de commencer ce travail le 1er mai et de construire une victoire d’étape avec le référendum contre PV 2020. Ensemble nous sommes forts, ensemble on ne lâche rien!
Pablo Cruchon