Eco-logique

Eco-logique : Pour la sécurité alimentaire - Vraiment?

Vraiment?

Le 24 septembre prochain, un nouvel article constitutionnel sera soumis au peuple. Il s’agit de l’art 104a « Sécurité alimentaire » qui est le contre-projet à l’initiative de l’Union Suisse des paysans déposée en 2014. solidaritéS appelle au non, Thibault Schneeberger explique ici pourquoi.

De belles pommes qui cachent quelques éléments douteux (image de la campagne pour le oui)

Le texte de l’initiative avait pour but de renforcer l’approvisionnement de la population avec des denrées alimentaires issues de la production indigène, de réduire les pertes de terres cultivées, de maintenir une charge administrative basse, de garantir le droit (éviter des réformes profondes de la politique agricole à un rythme quadriennal) et de sécuriser les investissements.

De l’initiative au contre-projet

En juin 2015, le Conseil fédéral appellait le Parlement à refuser cette initiative. Mais le Conseil national s’y est dit favorable. Le Conseil des Etats a alors proposé en décembre 2016 un contre-­projet à l’initiative.

Pour la Chambre haute, il s’agissait non seulement de trouver un compromis avec le National, mais aussi de tenir compte du fait que d’autres initiatives avaient été déposées par les Verts sur « les aliments équitables » fin 2015 et par le syndcat paysan Uniterre sur « la souveraineté alimentaire » début 2016.

Lors des débats, plusieurs Conseillers aux Etats ont argumenté sur le fait que le texte qu’ils proposaient répondait partiellement aux deux autres initiatives et qu’il serait ainsi plus facile de les combattre lorsqu’elles seraient débattues au Parlement. La rédaction du contre-projet a voulu tenir compte des réticences de différentes tendances représentées au Parlement. Celles qui estimaient que le texte de l’initiative était protectionniste ou productiviste, ceux qui jugeaient qu’il fallait inclure l’ensemble de la filière alimentaire et ceux qui pensaient que c’était dommageable à l’environnement.

De quel marché parle-t-on?

Au final, l’article sur lequel nous nous prononcerons reprend unepartie du texte de l’Union Suisse des Paysans (production indigène, protection des terres agricoles) mais y ajoute de nouveaux éléments. Pour les aspects à saluer il s’agit «d’une production locale utilisant les ressources naturelles de manière efficiente» et «d’utiliser les denrées alimentaires en préservant les ressources naturelles» (réduction du gaspillage alimentaire).

Les alinéas qui sont par contre beaucoup plus problématiques – car ils laissent une large marge d’interprétation – sont ceux qui précisent que «l’agriculture et le secteur alimentaire doit répondre aux exigences du marché» et que la Confédération doit créer les conditions pour «des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agro-alimentaire».

En fonction du positionnement politique, ces deux phrases peuvent être interprétées de manière complètement diverse. De quel «marché» parlons-nous? De celui qui prévaut actuellement, dominé par un oligopole de deux grands distributeurs qui détiennent 80% des parts du marché et qui ne laissent que des miettes aux paysans et aux ouvriers agricoles? Ou d’un marché local où la plus value est répartie de manière équitable entre tous les acteurs du marché, qui respectent les travailleurs·euses de la terre comme les consommateurs·trices?

Oui à des échanges commerciaux, non au « libre-échange »

Certains diront que les relations commerciales transfrontalières contribuant au développement durable signifie être en mesure de réussir le tour de force de libéraliser le commerce international tout en permettant aux paysans des quatre coins du globle d’obtenir des revenus comparables au reste de la population, en respectant les conditions sociales et l’environnement. C’est du jamais vu… alors pouvons-nous croire au miracle?

A l’heure actuelle, le rapport de force à Berne n’est pas au commerce équitable. Le Conseiller fédéral en charge de l’agriculture, Johann Schneider-Ammann est porté par le dogme du libre-échange. Il l’a maintes fois rappelé, et ceci encore tout récemment. Pour lui comme pour le SECO, ce qui compte c’est le commerce. Et s’il est possible d’y associer le respect de normes sociales ou environnementales c’est bien, mais ce ne sera jamais une condition préalable à la signature d’un accord commercial.

Enfin, s’il est évident que la Suisse n’atteindra pas l’auto-­suffisance alimentaire et qu’il n’est pas question de mettre fin au commerce transfrontalier, celui-ci devrait être basé sur la coopération plutôt que sur la compétition.

Viser plus loin et opter pour la souveraineté alimentaire

C’est essentiellement en raison des deux alinéas problématiques cités ci-dessus que solidaritéS s’est positionné pour le non au contre-projet sur la sécurité alimentaire. Nous estimons qu’un changement de cap de nos politiques agricole et alimentaire est indispensable.

C’est pourquoi il faut par contre soutenir dès à présent l’initiative pour la souveraineté alimentaire qui sera probablement soumise au vote en 2018. Celle-ci promeut une agriculture paysanne et solidaire, sans OGM et diversifiée. Elle produira une alimentation saine et de proximité, dans un espace rural vivant, créateur d’emplois qui permettra des prix, des conditions de travail et des salaires justes et contribuera à un commerce international plus équitable.

Thibault Schneeberger