ABB casse l'emploi industriel à Genève - Résistance!

Résistance!

Héritière des ateliers de Sécheron fondés en 1879, ABB Sécheron est une entreprise genevoise, sise à Meyrin, spécialisée dans les transformateurs de traction. Avec de l’ordre de 250 salarié·e·s, c’est l’un des fleurons restant du secteur industriel genevois qui est dans la tourmente.


Ulrich Spiesshofer, CEO d’ABB, aux côtés de Johann Schneider-Ammann. Sa rémunération était de 9 284 614 francs en 2016.

Fin octobre, le directeur de l’entreprise démissionnait, signalant son refus des plans de restructuration prévus par le groupe helvético-­suédois ABB, alors qu’en 2 ans environ 20 % des postes avaient déjà été perdus suite aux délocalisations de lignes de production en Pologne.

Le lendemain, c’est par un débrayage massif que tous les employé·e·s signalaient leur volonté de résister face au pillage de leurs emplois et de leur savoir-faire au bénéfice des taux de profit attendus par les actionnaires du plus grand groupe industriel de Suisse. Ce dernier a vu son bénéfice net bondir de 23 % sur un an, ascendant à 1,8 milliard les 9 premiers mois de 2017, servant un «salaire» de 9,3 millions par an à son PDG.

150 emplois qualifiés liquidés?

C’est plus d’un mois plus tard, le 6 novembre, qu’ABB sort enfin du bois et que les travailleurs·euses apprennent l’ampleur du mauvais coup qu’on allait leur porter. 100 postes fixes et 47 emplois temporaires devaient être supprimés à Genève et délocalisés en Pologne à la recherche de plus bas salaires, des emplois très qualifiés liquidés ici par une boîte ayant, par ailleurs, bénéficié d’aides importantes du Canton de Genève et, au demeurant, parfaitement «rentable».

Les autorités se sont mobilisées créant une task force pour traiter la question, mais surtout, les travailleurs·euses, mobilisés avec UNIA, ont donné une semaine au groupe pour retirer le plan de délocalisation. Suite à la fin de non-recevoir de celui-ci, ils-elles ont entamé un arrêt de travail, consacrant leur temps à une consultation, en continu, sur le site, avec leur syndicat sur les perspectives de maintien de l’emploi.

Travailleurs en…consultation

Plus de six jours durant, toute production aura ainsi été arrêtée et toute livraison de produits aura cessé au départ du site en direction des autres usines du groupe. A la suite de cette mobilisation syndicale importante, un accord, dont les termes ne sont pas publiés, vient d’être signé. Ceci dans un contexte qui reste très tendu, mais le plan de liquidation aurait été suspendu et des négociations seraient ouvertes jusqu’à mi-décembre, avec un objectif syndical de maintien de tous les emplois à Genève.

Dans ce cadre, le comité de soutien a confirmé une mobilisation de solidarité devant le Grand Conseil genevois jeudi 23 novembre. A l’ordre du jour du parlement, une motion à l’initiative d’Ensemble à Gauche (EàG) qui demande au Conseil d’Etat de «mettre en œuvre tous les moyens économiques et politiques, notamment l’exigence du remboursement des aides publiques reçues, permettant […] d’exercer des pressions sur la direction du groupe ABB pour appuyer les revendications des travailleurs du site et le maintien des emplois qualifiés… »

Mais la motion veut encore que le gouvernement rende «un rapport détaillé sur l’histoire et l’état du secteur industriel genevois, en particulier l’industrie des métaux et machines, donnant une vision complète de son évolution économique et sociale… afin de servir de base pour débattre de propositions structurelles permettant combattre la désindustrialisation et la perte d’un patrimoine industriel genevois irremplaçables… »

Pour une vraie politique industrielle

En effet, le mauvais coup contre ABB Sécheron reflète un mal profond du secteur industriel et métallurgique genevois, des entreprises «rentables», créatrices d’emplois qualifiés, héritières d’une culture industrielle remarquable, succombant en cascade depuis des lustres, face aux exigences boursières d’actionnaires dont le profit immédiat maximisé est la seule boussole.

Un débat s’impose donc à Genève sur des mesures structurelles de politique économique pour faire face à cette situation. L’exemple de Merck Serono l’a montré, prétendre qu’on fait une politique industrielle en arrosant de grandes entreprises de cadeaux fiscaux est un plan en échec.

Sans préjuger des mesures à mettre en œuvre et des propositions d’EàG, sur lesquelles nous reviendrons, la motion demande au gouvernement de livrer un état des lieux qui permettre ce débat. C’est une exigence démocratique qui devrait être largement partagée.

Pierre Vanek