Affaire de la Providence

Affaire de la Providence : Le droit de grève attaqué

Après le Tribunal de première instance, c’est au tour du Tribunal cantonal neuchâtelois de déclarer la grève de la Providence illicite et de confirmer les licenciements des grévistes. Un jugement politique particulièrement odieux.

Pour mémoire, entre fin 2012 et début 2013, des travailleurs·euses de l’Hôpital de la Providence à Neuchâtel ont mené une grève de 71 jours contre la dénonciation de la CCT 21 et la dégradation de leurs conditions de travail, conséquence du rachat de la Providence par le groupe Genolier.

Durant cette lutte longue et difficile, la direction de l’hôpital a décidé de licencier les grévistes avec effet immédiat, pour participation à une grève «illicite». Des licenciements clairement abusifs qui ont été combattu juridiquement devant le Tribunal de première instance puis par voie de recours devant le Tribunal cantonal. Le jugement de ce dernier, outre le fait qu’il confirme le licéité des licenciements, représente une fort dangereuse jurisprudence pour le droit de grève et s’apparente à un jugement politique contre les grèves de longue durée.

Une ingérence inacceptable

En effet, afin de déclarer les licenciements valables, le tribunal devait tout d’abord démontrer que la grève était illicite. Dans cette optique, le tribunal a mis en avant plusieurs éléments dont certains sont particulièrement retors.

Le premier est le fait que les syndicats SSP et SYNA n’auraient pas pu prouver que la décision de démarrer la grève, puis de la poursuivre, a été prise dans les règles du droit civil. On croit rêver… pour justifier les licenciements des grévistes le tribunal n’a rien trouvé de mieux que d’évoquer l’absence de procès-verbal des assemblées générales du personnel de l’Hôpital. C’est une remise en cause direct de l’auto-organisation des travailleurs·euses, mais aussi une ingérence intolérable dans le fonctionnement des syndicats.

La grève minoritaire déclarée illicite…

Le deuxième argument du tribunal pour disqualifier le mouvement de grève est le caractère minoritaire de celle-ci. En affirmant que les syndicats n’ont pas pu prouver que la grève a été «approuvée par la majorité des votants, ou tout au moins par une partie représentative des travailleurs concernés» et ceci malgré les témoignages sur les assemblées générales, le juge condamne de fait les grèves minoritaires. Cet aspect du jugement, nouveau dans l’appréciation des tribunaux sur le caractère licite d’une grève, aurait de grave conséquence pour les mouvements de lutte à venir si rien n’est fait.

Un jugement politique à combattre

D’autres aspects du jugement mériteraient d’être discutés de manière approfondie, mais c’est surtout la réponse à cette condamnation politique de la grève à laquelle on doit réfléchir. Les attaques explicites contre le droit fondamental de faire grève, la subordination toujours plus forte des relations de travail à la sacro-sainte «paix du travail», ainsi que l’ingérence des tribunaux dans le fonctionnement des travailleur·euse·s et des syndicats sont autant de défis politiques que ce posés par ce jugement. Réagir par tous les moyens à notre disposition qu’il soient juridiques, politiques ou de lutte sur les lieux de travail, est aujourd’hui un devoir manifeste…

Pablo Cruchon