Budget 2018 de la Confédération

Budget 2018 de la Confédération : La «rigueur» malgré les excédents

En décembre dernier, dans le cadre du débat budgétaire, la majorité de droite a poursuivi avec succès un objectif: éviter que les excédents ne soient utilisés pour le développement du service public et de l’Etat social.


L’armée suisse peut dormir sur ses deux oreilles, elle échappe encore une fois aux coupes budgétaires… – Guillaume Boppe

Le refus par le corps électoral de la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE 3) en février 2017 provoque une situation financière que les responsables des partis bourgeois n’apprécient guère: les recettes n’ayant pu être réduites à travers la RIE 3, celles-ci surpassent le niveau des dépenses, conduisant à des excédents budgétaires. Si la RIE 3 n’avait pas été combattue avec succès par la gauche et les syndicats, les finances de l’Etat auraient basculé dans le rouge ; cette situation aurait facilité les objectifs de réduction du service public et de l’Etat social visés par la droite.

A moyen terme, les partis bourgeois gardent donc pour objectif de réduire les recettes fiscales par des allégements en faveur des contribuables les plus riches. C’est le sens de la nouvelle mouture de la RIE 3, mise en consultation sous le nom de PF 17. Si l’ampleur des déductions a été revue à la baisse dans ce projet, pour réduire le risque d’un nouvel échec en votation, PF 17 sera peut-être complété, dans un paquet séparé, par des allégements supplémentaires en faveur des actionnaires: fin décembre, le Conseil fédéral a ainsi évoqué la suppression du droit de timbre, qui impose notamment les transactions financières.

Pessimisme

En attendant la réalisation de ces projets, retardés par la votation de février 2017, la droite cherche à éviter que les excédents ne soient utilisés pour le renforcement des prestations. Première tactique, éprouvée année après année: les pronostics budgétaires très pessimistes. Pour rappel, au budget 2015, le gouvernement prévoit un modeste excédent de 400 millions, métamorphosé en surplus de 2,3 milliards aux comptes ; en 2016, les autorités pronostiquent un déficit de 500 millions, qui se transforme après coup en excédent de 800 millions ; au budget 2017, les 250 millions de déficits initialement prévus deviendront, selon les dernières projections, un bénéfice de 800 millions. Le manège se répète au budget 2018, avec un excédent prévu de 295 millions (pour des dépenses de 71 milliards). Celui-ci est à nouveau sous-estimé, notamment parce que les recettes fiscales sont calculées selon une hypothèse de croissance du produit intérieur brut (PIB) inférieure aux prévisions réalisées par les instituts de recherche conjoncturelle. Ce pessimisme budgétaire artificiel permet à la droite d’invoquer le principe constitutionnel du frein à l’endettement pour refuser les dépenses supplémentaires.

La dette et l’armée d’abord

Lors du débat au Parlement, PS et Verts ont proposé d’allouer l’excédent budgétaire à l’AVS. La majorité de droite a refusé, décidant de l’affecter au remboursement de la dette. La priorité donnée par la droite au remboursement de la dette aux dépens du développement de l’Etat social relève d’un dogmatisme libéral particulièrement rigide. En effet, le niveau d’endettement des collectivités publiques en Suisse est parmi les plus bas au monde et, de plus, diminue rapidement ; il est ainsi passé de près de 40 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2006 à 29 % en 2016. Par comparaison, ce ratio est de 76 % en Allemagne, 102 % en Autriche ou encore 123 % en France.

Les excédents annoncés au budget 2018, quoique sous-estimés, ont certes réduit les possibilités, pour la droite, de procéder à autant de coupes budgétaires qu’espéré. Pour autant, au Parlement, les partis bourgeois ont réussi à durcir le plan d’économies d’environ 1 milliard par an prévu par le Conseil fédéral pour la période 2017-2019 (consistant en particulier en des coupes dans le budget de l’aide au développement). La majorité a ainsi décidé une baisse supplémentaire de 41 millions de l’aide aux requérants d’asile et de 64 millions dans la contribution à la caisse de pension des employé·e·s de la Confédération. Sans surprise, la défense, dont le budget annuel a passé de 4,4 milliards en 2011 à 5 milliards en 2017, échappe à cette rigueur budgétaire ; à tel point, comme le souligne le site RTSInfo (30 oct.) que «l’armée risque d’avoir trop d’argent à dépenser l’an prochain», les responsables de l’achat d’armement au sein du Département de la défense étant incapables de passer assez vite de nouvelles commandes.

Hadrien Buclin


Les contribuables modestes paient le prix fort

Les dépenses de la Confédération sont financées en large partie par les bas et moyens revenus, ce qui permet d’offrir des conditions fiscales très clémentes aux contribuables les plus aisés. Ainsi, sur 62,5 milliards de recettes fiscales (chiffres 2016), 29,7 – soit près de la moitié – sont issus des impôts sur la consommation, en premier lieu la TVA. Cette forme d’imposition, parce qu’elle ne tient pas compte de la capacité contributive, pénalise les milieux modestes. Quant à l’impôt fédéral direct (IFD), qui rapporte 21 milliards, sa progressivité est limitée: en effet, dès 755 300 francs de revenu annuel (pour une personne seule), le taux d’imposition n’augmente plus, mais est plafonné à 11,5 %. De plus, il n’existe pas d’imposition fédérale de la fortune privée ou commerciale.

Quant à l’imposition des entreprises et des actionnaires, elle a été constamment allégée ces dernières années ; par exemple, en 2000, le droit de timbre contribuait pour 4,1 milliards aux recettes de la Confédération ; il ne rapporte plus que 2 milliards en 2016. Et le gouvernement a bien l’intention de poursuivre dans cette voie (voir ci-contre). HB