En Grande-Bretagne, Carillion s'effondre

L’entrée en liquidation du géant britannique des bâtiments et travaux publics sonne le glas du modèle néolibéral de sous-traitance et de privatisation des services publics.


Elliott Brown

Le 15 janvier, Carillion entrait en liquidation. Cette multinationale britannique avec 20000 salarié·e·s en Grande-Bretagne, plus du double au plan international et 30000 emplois de sous-traitants était au cœur d’un réseau de «partenariats public-privé» en matière de travaux publics et de prestations publiques privatisées dans un grand nombre de domaines. Le gouvernement britannique avait près de 500 contrats en cours avec la multinationale, sans parler des collectivités locales.

Carillion s’est même vu attribuer deux milliards de contrats publics au dernier moment, alors que tous les signaux étaient au rouge et que les actions de l’entreprise s’effondraient. L’entreprise était notoirement au bord d’une faillite laissant un découvert d’1,3 milliard de livres, avec 29 millions seulement dans ses caisses. Une situation d’autant plus révoltante quand on sait que ses dirigeants continuaient à recevoir des dividendes et des bonus massifs, alors que les 20000 employé·e·s de l’entreprise au Royaume-Uni n’ont aucune garantie quant à leur emploi, leur salaire et leur retraite.

Une activité parasitaire

L’activité de l’entreprise était largement celle d’un intermédiaire parasitaire utilisant ses entrées dans les sphères dirigeantes du pays et son «expertise» à décrocher des contrats publics, pour les sous-traiter ensuite à d’autres groupes qui réalisaient les travaux ou qui fournissaient effectivement les prestations. La pression à la baisse constante des coûts a rendu ce business de plus en plus problématique: prisons, écoles, hôpitaux, infrastructures publiques. Carillion a emprunté massivement aux banques pour continuer à faire tourner la machine de la sous-­enchère en termes de coûts d’investissement et d’exploitation d’un grand nombre de prestations publiques.

Aujourd’hui, c’est la collectivité qui devra endosser la facture pour rembourser les banques et faire tourner les services publics concernés. Des dizaines de milliers de travailleurs·euses risquent leur emploi et leurs conditions de travail dans cette affaire. Le découvert des caisses de pension du groupe avoisine le milliard de livres. Les pensions des salarié·e·s concerné·e·s seront sabrées et une part de la charge sera répartie sur l’ensemble des caisses de pension du pays à travers un «fond de garantie».

Une catastrophe? Pas pour tout le monde. Ces dernières années, le rendement pour les actionnaires de Carillion était en moyenne d’environ 8,5%, alors que l’indice boursier FTSE des 100 des entreprises britanniques les plus capitalisées a connu sur la même période un rendement de l’ordre de 3,5%. Ainsi, cette faillite n’est pas le signe de dysfonctionnements du capitalisme réellement existant. C’est un épisode spectaculaire du fonctionnement «normal» de ce système, qui a pour seule règle de générer des profits pour les plus riches au détriment des intérêts de la majorité.

Quoi qu’il en soit, c’est un clou de plus dans le cercueil du gouvernement conservateur, qui nourrit la vague d’indignation et de colère populaire qui emportera sans doute bientôt Teresa May et mènera Corbyn au 10 Downing Steet.

Pierre Vanek