8 mars 2018

8 mars 2018 : Une journée internationale d'actions et de grèves pour les droits des femmes

Cette année le 8 mars sera l’occasion pour les femmes d’ici et d’ailleurs de faire entendre ensemble leurs colères à l’encontre du machisme et de montrer leur détermination pour en finir avec l’exploitation et l’oppression patriarcale, capitaliste, raciste et coloniale. Partout dans le monde, les femmes condamnent les inégalités, sources de pauvreté et de précarité et dénoncent les remises en cause du droit à l’avortement, le non accès à la contraception, les contraintes sexuelles, tout ce qui atteint leur droit à disposer librement de leur corps et de leur vie.

Les faits sont connus depuis longtemps et les chiffres n’ont pas changé: selon l’ONU, une femme sur trois est victime de violences sexuelles dans le monde ; 45 à 55 % des femmes ont été victimes de harcèlement sexuel dès l’âge de 15 ans au sein de l’Union européenne ; au moins 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi des mutilations génitales et près de 750 millions de femmes, toujours en vie, ont été mariées de force avant l’âge de 18 ans. Au minimum une femme déplacée ou réfugiée sur cinq est victime de violences sexuelles. La liste des maltraitances et des injustices est inépuisable.

Mais aujourd’hui, face à ces attaques, il se passe quelque chose de nouveau. Des femmes et des personnes LGBTIQ+, de tout âge, quelle que soit la couleur de leur peau, se lèvent pour crier haut et fort:

«Assez! Nous n’acceptons plus de nous taire. Nous dénonçons les harcèlements sexuels, les viols, les mariages forcés, les féminicides. Nous n’acceptons plus d’être renvoyées à nos casseroles et aux tâches domestiques gratuites. Notre corps et notre vie nous appartiennent et ce droit n’est pas négociable.»

L’affaire Weinstein et les conséquences immédiates des dénonciations publiques par des femmes qui n’avaient rien osé dire pendant des années, l’ampleur de la campagne #metoo, #balancetonporc et son efficacité avec des démissions forcées en chaîne du côté des harceleurs et des mobbeurs – quelle qu’ait été leur notoriété – tout cela indique qu’un tournant, en profondeur, s’est enclenché.

La loi du silence qui permettait la perpétuation des violences sexistes est brisée. A côté de cette libération de la parole, sous la bannière de #metoo se sont également organisées des réponses collectives pour exiger des changements concrets.

Afin de donner plus de force à leur lutte pour des droits, cette année, c’est l’arme prolétarienne de la grève qui est retenue pour le 8 mars par de nombreux collectifs féministes. Un appel pour faire grève à l’occasion de la journée internationale du 8 mars a déjà été lancé plusieurs fois depuis 2000. Avec un faible écho jusqu’en 2016. L’an passé, suite à l’énorme mobilisation des femmes en Pologne (octobre 2016), suite à l’appel du mouvement Ni una Menos en Argentine, entendu par les féministes bien au-delà de l’Amérique du Sud, suite aussi aux millions de femmes qui sont descendues dans les rues aux Etats-Unis et dans le monde entier à l’occasion de l’investiture de Trump (janvier 2017), les femmes ont organisé des grèves plus ou moins longues sous toutes sortes de formes dans plus de 50 pays.

Le 8 mars 2018 entrera peut-être dans l’histoire du féminisme de façon plus marquante encore. En Espagne, en Italie et en France, les syndicats se joignent au mouvement des femmes et appellent à une grève générale. Difficile de prédire comment ces grèves seront suivies, mais elles se préparent depuis janvier sous toutes sortes de formes à l’initiative de collectifs qui regroupent des militantes de la Marche mondiale des femmes et de nombreux autres groupements féministes, mais aussi des syndicats et des partis de la gauche critique: grèves classiques dans le monde du travail, grève du travail ménager, grève des soins aux enfants confiés aux maris, pères ou compagnons, grève des achats, etc. Que, dans le contexte actuel de guerres et de conflits, où la militarisation des sociétés et la montée des forces de droite sont légion, les femmes parviennent à fédérer autour d’elles différentes luttes, qui toutes ont leur importance, ouvre peut-être une ère nouvelle. A une époque où les conditions sociales et économiques des femmes ne cessent de s’aggraver, il est indispensable que cette articulation des diverses formes d’oppressions de genre, classe et race reste au centre des luttes féministes.

En Suisse, on n’en est pas encore là, mais nous les femmes serons aussi dans la rue. Au niveau national, l’Appel d’elles sera, lors du dépôt des signatures à la chancellerie fédérale à Berne, au cœur d’une action organisée par des militantes de toute la Suisse, déléguées par plus de 40 associations féministes, syndicales et de défense des réfugié·e·s. Nos autres revendications – égalité salariale, droit à une retraite digne prenant en compte le travail gratuit d’éducation et de ménage, droit de disposer librement de notre sexualité et de notre corps – seront portées par différents collectifs féministes fédérés au niveau local.

Pour la grève en Suisse, ce sera peut-être l’an prochain. Les femmes dans les syndicats en parlent (le dernier congrès des femmes de l’USS a voté une résolution dans ce sens), d’autres en rêvent. Mais une chose est sûre: le 8 mars renoue aujourd’hui partout dans le monde avec la tradition de lutte à laquelle appartenait Clara Zetkin.

Marianne Ebel