Industrie pharmaceutique
Industrie pharmaceutique : Roche et Novartis s'entendent bien sur le dos des assuré·e·s
Lorsqu’un médicament pour traiter une maladie ophtalmique est facturé 81 euros et un autre 900, comment faire pour promouvoir le second, bien plus lucratif? Il suffit que les deux entreprises productrices s’entendent. Illégal, mais très tendance dans le capitalisme mondialisé.
Le site d’information français Médiapart a repris une enquête publiée par Federico Franchini dans le mensuel romand La Cité. On y apprend que pour traiter la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une maladie des yeux, il existe deux médicaments. D’une part, le Lucentis, fabriqué par une filiale de Roche, mais dont la licence d’exploitation a été cédée à Novartis, et d’autre part l’Avastin, un anticancéreux, aussi produit par Roche. Le Lucentis est le plus cher. Donc c’est celui que les deux géants de la pharma cherchent à imposer.
En Italie, devant la résistance des médecins à prescrire le Lucentis, Novartis a soudainement trouvé beaucoup de défauts à l’Avastin, devenu dangereux. La principale association de défense des personnes âgées, la Federanziani présente en 2014 des résultats alarmants concernant la dangerosité du médicament. Problème: la même association a reçu deux dons de Novartis, l’un de 54 000 euros et l’autre de 91 000 euros. Le coût du plat de lentilles? C’est ce que pense aujourd’hui la police des finances italienne.
En attendant, la manœuvre fonctionne. Jusqu’à ce que la justice italienne frappe: les deux entreprises auront chacune une amende de plus de 90 millions de francs à payer, pour entente illicite afin «d’entraver la diffusion et l’utilisation d’un médicament à prix abordable», en tentant de «différencier artificiellement les deux produits». La justice avait été mise en branle par l’Antitrust, l’agence de surveillance du droit de la concurrence. En France, la prise d’Avastin a été autorisée par un arrêté public, à la suite de pressions politiques.
Et en Suisse, alors?
Dans l’Helvétie de l’industrie pharmaceutique, les choses sont encore plus simples: la Confédération ne peut pas forcer Roche à demander l’homologation de l’Avastin. Évidemment, l’entreprise se garde bien de le faire. Et la Commission de la concurrence est désarmée, contrairement à l’Antitrust italienne. Conséquence: seul le Lucentis existe sur le marché suisse. C’est 75 millions de francs suisses annuels à charge des caisses maladie et autant de répercussions sur les primes.
Comme le dit le porte-parole des caisses, «cet exemple montre comment l’industrie pharmaceutique peut maximiser ses profits au détriment des assurances de base». Et par conséquent des cotisant·e·s aussi.
Daniel Süri
Pour des médicaments abordables
Public Eye vient de lancer une campagne qui demande au Conseil fédéral d’introduire une license obligatoire pour les médicaments, ce qui permettrait de produire des génériques, même de médicaments sous brevet.
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