#Aufstehen

#Aufstehen : Un recul pour Die Linke en Allemagne

À la mi-mai, un projet d’appel pour un nouveau rassemblement politique a été rendu public, rédigé par Oskar Lafontaine: «Pour un pays juste et équitable». Sahra Wagenknecht, vice-présidente de la fraction parlementaire de Die Linke a lancé, avec d’autres, un mouvement politique en ligne sur cette base au début de ce mois: #Aufstehen (Debout).

Affiche électorale de Sahra Wagenknecht (Die Linke)
Jochen Mabuse

Sa déclaration fondatrice constitue un recul par rapport au programme de Die Linke, qu’elle estime être un obstacle à la conquête de la majorité, en particulier sur la politique des réfugié·e·s ou l’intégration. Nous ne partageons pas cette analyse.

Rien sur la montée de l’AfD

La déclaration est muette sur la lutte contre le racisme et la montée de l’Alternative für Deutschland (AfD). Or, un rassemblement qui ne lie pas lutte sociale et lutte contre le racisme ne répond pas aux exigences de l’heure. On ne peut affaiblir l’AfD sans dénoncer le racisme et se confronter à lui.

La gauche ne peut pas esquiver cette question en se bornant à défendre la «paix» et à combattre le néolibéralisme. Dire que l’AfD et les médias font état de «préoccupations légitimes» ne fait que renforcer les préjugés: notre problème n’est pas que Merkel a laissé entrer trop de réfugié·e·s dans le pays ou que les musulman·e·s menacent la cohésion sociale…

Ressentiments contre l’islam et thématiques sécuritaires

Les préjugés contre les musulman·e·s sont repris: «Si le monde politique reste spectateur alors que les prêcheurs de haine de l’islam radicalisé donnent une vision du monde à des enfants de 5 ans qui rend leur intégration impossible, le climat social est empoisonné.» Ce discours renforce les peurs, alors que le défaut d’intégration est une expression de l’exclusion sociale, politique et culturelle, de la discrimination et du racisme. Les coupables sont les élites économiques et politiques, non les migrant·e·s et les musulman·e·s.

Le centre d’attention de Die Linke devrait être la sécurité sociale et l’attention portée aux causes de la criminalité. Mais l’appel demande «plus de personnel et de meilleurs équipements pour la police et la justice». Or, il ne dit rien sur la Loi sur les tâches de la police et ne s’oppose pas à l’expansion inquiétante des pouvoirs exécutifs. L’État bourgeois n’est pas neutre: il réagit à sa crise de la légitimité politique par un virage autoritaire.

Un anticapitalisme spongieux

Le capitalisme en tant que système fondé sur l’exploitation, la concurrence et le profit n’est pas considéré comme le problème central: ce sont les grandes entreprises qui opèrent à l’international, les hedge funds et les banques qui agissent de façon immorale. Pourtant, cela nous affaiblit de nourrir des illusions sur les entrepreneurs·euses «plus justes», qui pourraient être nos interlocuteurs·trices pour le changement social.

Sur la paix, les États-Unis sont visés et les «intérêts européens» placés «au centre». Ainsi sont soutenus les intérêts impérialistes de l’Allemagne et de la France qui défendent l’indépendance de leurs banques et de leurs entreprises dans la compétition mondiale en misant sur une armée de l’UE.

Sur l’environnement, il est question d’«économie soutenable», mais aucune réponse n’est donnée à la crise climatique et à l’enjeu de la réduction des émissions de COâ‚‚. L’élimination progressive de la lignite et l’expansion des transports publics ne sont pas mentionnées.

Sans relation avec les luttes réelles

Le texte ne parle pas de luttes concrètes. Le changement social ne passe pourtant pas par des interventions intelligentes dans des talk-shows ou des assemblées parlementaires, mais par des mobilisations dans la rue et dans les entreprises. La question clé n’est-elle pas la conquête de leur autonomie par les exploité·e·s et les opprimé·e·s?

L’initiative de Wagenknecht et Lafontaine ne renforce pas la gauche sociale. Ses initiateurs·trices (à la tête du groupe parlementaire de Die Linke au Bundestag ainsi qu’au parlement du Land de Sarre) n’ont pas cherché à débattre leur proposition dans le parti, ce qui pourrait le conduire à une scission.

Que les intérimaires et les vacataires se battent pour la fin du travail précaire! Que les salarié·e·s qualifiés luttent pour l’égalité des droits et des salaires! Que les travailleurs·euses allemand·e·s combattent avec les réfugié·e·s pour de bonnes conditions de travail et un salaire minimum qui permette de vivre! Voilà les conditions d’une avancée de la gauche.

D’après la prise de position de Christine Buchholz, Hubertus Zdebel et Nicole Gohlke (traduction par Sylvestre), membres de Marx21, publié le 20 août dernier sur le blog de Jean-Marc B. de Mediapart, raccourcie et adaptée par notre rédaction.