Genève ne consommera plus de courant nucléaire

Genève ne consommera plus de courant nucléaire

Le journal de ContrAtom* n° 71, vient de paraître. Il revient sur la nouvelle annoncée le 6 septembre par Le Courrier, titrant sur le fait que le parlement genevois aurait «signé l’arrêt de mort du nucléaire». Il s’agissait du vote d’un amendement à la Conception cantonale de l’énergie. Pour en savoir plus, Anne-Cécile Reimann présidente de ContrAtom, a interviewé notre camarade Pierre Vanek, député au Grand Conseil et antinucléaire connu, auteur de la
proposition adoptée. Ci-dessous une version abrégée de l’interview.

Depuis quelques temps on n’a plus guère d’écho du Grand Conseil concernant le nucléaire et tout d’un coup on apprend cette bonne nouvelle. Que s’est-il passé?

En effet «sous» les PDC Jean-Philippe Maitre et Philippe Joye la politique de l’énergie était un enjeu important de débats au Grand Conseil. Depuis, celle-ci fait moins de vagues, la droite a renoncé à s’opposer de front à la volonté de sortir du nucléaire inscrite dans la constitution genevoise, elle mise sur un enlisement progressif. Du côté des Verts et du PS, la présence de Cramer rassure […] et certains ne défendent plus avec autant d’énergie des positions radicales.

Comment en est on arrivé au vote du 30 août?

En commission, nombre d’amendements à la Conception cantonale de l’énergie, proposés par la Coordination Energie et ContrAtom ont été refusés. Pourtant, la plupart des élu-e-s de la gauche et des verts ont accepté celle-ci sans autre et renoncé à défendre ces amendements en plénière. Le rapport concluant à l’acceptation telle que de la CGE était même de la main d’une verte… Quant à moi et à mon groupe (ADG), nous avons estimé, qu’il fallait qu’il y ait un débat public sur ces questions en plénière et je suis revenu avec 7 amendements… La droite – et même certains du côté PS – ont poussé de hauts cris, estimant «scandaleux» qu’on revienne en public sur les travaux de la commission consultative extra-parlementaire et de celle du Grand Conseil. Pour moi, au contraire, c’est la gangrène – anti-démocratique – du «con – sensus mou» qui est scandaleuse.

Peux-tu donner un exemple à ce sujet?

Le sort de mon amendement antinucléaire accepté est illustratif, il fixe un objectif cantonal «d’éliminer le pourcentage résiduel d’électricité d’origine nucléaire distribuée dans le canton». Il est élémentaire du point de vue antinucléaire et conforme à la logique de notre entreprise électrique publique (SIG) qui a mis l’accent sur le courant renouvelable avec son programme «Vitale» et qui écrivait ce printemps, que «les SIG ont le potentiel d’approvisionner, dans sa totalité, la population genevoise en énergie électrique 100% renouvelable.»


Or en commission, et en privé, la droite a pu se permettre de voter contre l’amendement. En plénière, ils n’ont pas osé, le prix politique aurait été plus lourd. Ainsi, cet amendement a été accepté par une bonne majorité (gauche et verts et avec des PDC et radicaux) et non par une «majorité de circonstance» comme l’a écrit Le Courrier. Les seuls à avoir voté contre l’amendement en bloc, […] sont les libéraux et l’UDC xénophobe et antisociale, mais aussi farouchement pronucléaire.

Et alors, ce vote quelles conséquences aura-t-il?

Quant aux effets concrets de l’amendement, il faudra batailler encore, mais du côté des SIG, le directeur à indiqué qu’il voyait ça «d’un bon œil» et qu’on pourrait transformer le courant «Sig-Mix», qui recèle les 5% restant de consommation nucléaire du canton, en une offre 100% non-nucléaire, avec peut-être une certification 100% gaz. Pas du renouvelable, mais déjà un pas en avant! Il faut rappeler que le WWF et ContrAtom notamment, revendiquent depuis longtemps la suppression d’un «Sig-Mix», dernier vecteur de livraison – à bas prix qui plus est – de courant atomique à Genève.

Mais alors, c’est une grande victoire?

Il s’agit d’une victoire symbolique. Que Genève ne consomme plus un seul kWh nucléaire, ne fermera pas de centrale. Mais c’est un coup pour le nucléaire et ses promoteurs. Cette décision n’aurait aucun effet, si on avait démonté le monopole public sur la distribution électrique et que les marchands d’électrons nucléaires à prix cassés avaient «marché ouvert» chez nous. ContrAtom a donc eu raison de se battre contre la LME de Moritz Leuenberger, a contrario des antinucléaires pro-LME, comme le conseiller national socialiste Rudy Rechsteiner, qui voulaient que les consommateurs aient le choix, individuellement, sur le marché. Nous avons pensé – au contraire – qu’il fallait des choix politiques, démocratiques et collectifs. La décision du Grand Conseil est un petit exemple à ce sujet.

Et les autres amendements que tu proposais, qu’en est-il advenu?

Quelques autres de mes amendements […] n’ont pas passé la rampe… et n’ont parfois même pas été soutenus par le PS et les Verts. Deux d’entre eux me tiennent à cœur. L’un porte sur le bilan critique de l’application de la Conception cantonale précédente. Elle fixait des objectifs ambitieux de baisse de consommation, on les révise sans un bilan sérieux de cet échec. L’autre porte sur les transports. J’ai osé proposer qu’on ne favorise pas seulement des modes de mobilité moins nuisibles pour l’environnement, mais qu’on vise aussi à «réduire la mobilité inutile». Mon groupe a été le seul à voter l’amendement, qui pourtant représente un objectif essentiel si on veut contenir le flot de bagnoles qui nous étouffe…


Entretien réalisé par Anne-Cécile REIMANN


* On peut s’abonner à la revue ContrAtom en écrivant à la CP 65, 1211 Genève 8 ou en passant par leur site www.contratom.ch en versant 30 Fr. (ou plus en soutien!) au CCP 12-13446-0.