Crashed

Crashed : Histoire d'une crise

En octobre 2018 sortait Crashed: Comment une décennie de crise financière a changé le monde, traduction du dernier ouvrage d’Adam Tooze, professeur d’histoire à Columbia. Un éclairage bienvenu, 10 ans après la crise.

Avez-vous constaté que votre vision du monde n’était pas correcte, qu’elle ne fonctionnait pas!

Absolument! J’ai été choqué, car depuis 40 ans, je croyais que cela fonctionnait exceptionnellement bien.

Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis.

Dans son livre Crashed, Adam Tooze produit une somme sans pareille sur la crise économique de 2008 et la profonde récession qui s’en est suivie. Celles-ci auraient toutes deux pris au dépourvu le «gourou» du précédent boom du crédit, Alan Greenspan.

Tooze fournit un récit détaillé et passionnant du crash et de ses conséquences, qu’il analyse à travers les prises de décision des principaux protagonistes à l’échelle mondiale, comme Goldman Sachs, Northern Rock ou BNP. Il montre comment les dirigeant·e·s ont veillé aux intérêts des grandes banques aux dépens de l’écrasante majorité de la population et comment l’intervention des gouvernements a sauvé les coupables de la catastrophe.

L’ouvrage est indispensable pour comprendre les évènements qui ont précédé et conduit à la crise économique de 2008—2009. Crashed révèle comment le boom du crédit du début des années 2000 a conduit au plus grand désastre financier et à la plus forte chute de la production capitaliste depuis 1930. Il démontre que la crise ne relevait pas d’une histoire de propagation de la crise financière des États-Unis vers l’Europe et que le boom du crédit avant la crise était tout aussi fort en Europe. Il montre comment les «responsables» des deux côtés de l’Atlantique ont nié une crise qu’ils n’ont ni vu venir ni pu expliquer.

Identifier les causes

Tooze rend compte avec clarté de ce qui est arrivé et comment. Et on reste accroché·e jusqu’au bout.

Pour lui, la cause de la crise semble être la déréglementation du système bancaire, la cupidité financière et l’incompétence des autorités. Selon le journaliste économique en chef du Financial Times (FT), Martin Wolf, «Tooze se concentre sur l’idée que le gonflement des bilans du secteur financier a été la cause de la crise. Il ne prête pas suffisamment attention aux raisons pour lesquelles les décideurs ont eu besoin de cela […]. L’explication tient à la surabondance de l’épargne mondiale et aux déséquilibres macroéconomiques mondiaux associés» Malheureusement, Wolf n’explique ni dans sa recension (FT, 17.7.2018) ni dans son livre (The Shifts and the Shocks, 2015) ce qui a pu provoquer cette surabondance dans les années 2000.

Pour l’économiste marxiste Michael Roberts, la surabondance d’épargne était en réalité le reflet d’une pénurie d’investissements mondiaux. Et cette pénurie, en particulier dans les économies capitalistes avancées, était un produit de la baisse de la profitabilité qui a commencé dès la fin des années 1990.

Indépendamment des critiques keynésiennes (Wolf) ou marxistes (Roberts), Crashed accomplit son projet et permet, par un langage limpide, de saisir la complexité d’une crise qui a bouleversé la vie de millions de personnes à travers le monde.

Dimitris Daskalakis