Algérie

Algérie : Quel pouvoir pour le peuple?

À la suite des manifestations massives contre le 5e mandat présidentiel, le régime en place a décidé de reporter les élections d’un an, avec la promesse que Bouteflika ne se représentera pas.

Le régime cherche ainsi à contrôler le mouvement en l’enfermant dans une logique électorale, soumise au bon vouloir des militaires. Cependant, si des millions de personnes battent le pavé depuis près d’un mois, c’est pour exiger la fin du système. Comme le dit une pancarte: «vous n’avez pas affaire à une opposition, mais à un peuple et le peuple ne s’oppose pas, il s’impose». Un peuple qui prend les affaires de son pays en main, c’est une révolution. En face, le régime peine depuis des années à trouver une figure tutélaire. Ils ont épuisé le stock de moudjahidines à leur solde.

Un héritage trahi

Pourquoi l’héritage de la lutte de libération nationale a-t-elle autant d’importance? Elle est l’identité fondatrice du pays, et le pouvoir instrumentalise son héritage pour sa stabilité. Or, la promesse de libération a été trahie depuis longtemps: les femmes en ont été les premières victimes par la mise en place du code de la famille, qui les place en infériorité par rapport à un membre masculin de leur famille. Ces politiques étatiques ont eu un effet désastreux, fermant la possibilité pour les femmes de se construire un futur. Elles ont cependant résisté à cet enfermement sans tomber dans le piège de la norme religieuse, ou de la haine du hijab.

L’autre trahison est la promesse de la justice sociale. Au lendemain de l’indépendance, il fallait un État qui subvienne aux besoins de toutes et tous en matière d’éducation, de logement, de santé et de travail. Fuir ou survivre sont aujourd’hui les alternatives laissées aux Algérien·ne·s. Le libéralisme et la destruction des services publics ont permis l’émergence de nouveaux riches. Leur modèle de réussite individuelle tente de se poser comme alternative à un capitalisme bureaucratique. Or elle est destructrice, elle n’offre que le pillage de ressources naturelles dont les prix sont soumis aux aléas du capitalisme mondial.

Cette logique menace des écosystèmes, comme le fait le forage du gaz de schiste au Sahara. Non seulement la lutte du peuple algérien fait face aux limites du capitalisme bureaucratique, mais il doit faire face au monstre qu’il a enfanté: le capitalisme libéral.

Essayer de trouver aujourd’hui une solution immédiate au vide de pouvoir en pensant qu’un individu puisse répondre à la situation constitue un danger. Un individu, même bien intentionné, ne peut faire face au pouvoir en place. Une démocratie populaire est à construire: elle passe par les assemblées locales, les lieux de travail, les syndicats. Contrairement à l’agenda électoral imposé par le pouvoir, rompre avec un système présidentiel doublé d’une mainmise militaire prend du temps. Ni sauveurs, ni substituts, mais un seul héros: le peuple.

Sellouma