Mystifications d'une pétromonarchie
La Norvège est souvent présentée comme un exemple à suivre en matière de désengagement d’investissement dans le secteur pétrolier. Pourtant, le plus grand fond souverain mondial (plus de 1000 milliards de dollars) a été alimenté depuis sa création par l’exploitation du pétrole et du gaz.
Des pêcheurs protestent contre l’exploration pétrolière offshore dans les îles Lofoten (Norvège) – Sven Kare Evenseth
L’annonce du désengagement de l’investissement de la Norvège en mars 2019 dans des compagnies pétrolières a pu surprendre. En réalité, ce sont des raisons financières (l’instabilité des prix) plutôt que climatiques qui expliquent ce choix. Retrait d’ailleurs très partiel, qui ne vise que les compagnies spécialisées dans l’exploration et l’exploitation et qui n’investissent pas dans les énergies renouvelables. Ainsi de grandes compagnies comme BP, ExxonMobil et Total ne sont pas concernées par le désinvestissement.
Cette orientation ne con-cerne au final que 7,5 milliards sur les 37 milliards d’actifs du fonds investis en 2018 dans le pétrole et le gaz. Le geste n’est pas vraiment net. D’autres décisions politiques du gouvernement contredisent les déclarations de la Norvège au cours de la COP 24 en décembre 2018 concernant son ambition de réaliser en 2030 la neutralité carbone. Ce pays reste l’un des grands producteurs mondiaux d’énergies d’origine fossile et n’a exploité jusqu’ici que 45% de ses réserves.
Au lieu de ralentir le rythme d’exploitation et d’annoncer son arrêt, de nouvelles zones d’exploitation sont autorisées. Le ministre du pétrole et de l’énergie a annoncé en mars de cette année l’ouverture à l’exploration pétrolière de 90 blocs au nord des côtes norvégiennes. Déjà en 2017, 102 blocs avaient été autorisés, suivis par 83 nouveaux blocs il y a deux mois. Une ligne de conduite cohérente avec les intérêts économiques et financiers d’une industrie qui représente 20% des revenus de l’État et la moitié des exportations du pays.
Au regard de ces décisions, l’interdiction du chauffage au gaz et au fioul pour 2020 apparaît comme une décision bien hypocrite. Si le pays produit 95% de son électricité par des centrales hydrauliques, pourquoi continuer à extraire du gaz et du pétrole dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique?
Des ONG ont calculé que la Norvège est le 7e exportateur mondial de COâ et ont attaqué en justice l’État en l’accusant de violer l’accord de Paris de 2015 en continuant de produire des énergies fossiles. Le ministre de l’environnement a répliqué cyniquement: « Nous ne sommes responsables que du COâ que nous émettons, pas de celui généré par nos exportations » (Le Monde, 23.3.2019).
Les moyens financiers de son fonds souverain permettraient d’investir très rapidement et massivement dans des productions énergétiques renouvelables. La volonté politique fait défaut. Une issue écosocialiste est à construire sur la vague de la mobilisation climatique. Cela n’apparaît plus comme une utopie.
José Sanchez