L'invisibilisation progressive des travailleuses du sexe

Retour sur les mesures successives relatives à la prostitution de rue à Lausanne de 2014 à 2019. Sous couvert de réaménagement urbanistique, la Municipalité isole et précarise les travailleuses du sexe.

Manifestation de travailleuses du sexe, Londres

« Les coupes dans le social poussent les femmes à se prostituer ». Manifestation des travailleuses du sexe, Londres, 2014

En mars 2014, les autorités vaudoises avaient ordonné la fermeture, à la rue de Genève 65, d’un salon de massage où des travailleuses du sexe exerçaient leur activité. À l’époque, le canton évoque des problèmes sanitaires et de non-respect des règles de sécurité pour justifier leur décision. Quelques mois plus tard, des travailleuses du sexe, concernées et impactées par la fermeture du bâtiment, adressent une lettre à Philipe Leuba pour dénoncer une dégradation de leur situation et exiger une solution. Leur demande reste sans réponse.

De 2014 à 2016, plusieurs postulats sont déposés au niveau communal concernant la situation de la prostitution dans le quartier de Sévelin. En réponse à ces postulats, au printemps 2016, la Municipalité propose une réduction de la zone allouée à la prostitution de rue. Cette disposition est entrée en vigueur le 15 avril 2018. Cette fois-ci c’est le réaménagement de Sévelin qui est utilisé comme argument, avec la volonté affichée par les autorités communales d’assurer une meilleure cohabitation entre les futur·e·s habitant·e·s du quartier, les commerçant·e·s et les travailleuses du sexe.

En réalité, il s’agit d’une nouvelle attaque contre les conditions de travail d’une population déjà précaire et précarisée. En effet, la réduction de la zone et surtout la suppression de la route de Genève – seule parcelle réellement éclairée et où il est possible de voir mais aussi d’être vue – ont un impact sur la sécurité des travailleuses. De plus, sans local où accueillir les clients et avec un espace toujours plus réduit, il est de plus en plus compliqué d’exercer cette activité dans des conditions acceptables.

Moins visibles, plus marginalisées

Un article publié il y a quelques mois par 24 heures expliquait que le nombre de personnes exerçant la prostitution dans le quartier de Sévelin avait diminué. Mais ces personnes n’ont pas disparu. Elles ont simplement dû trouver de nouveaux endroits, excentrés, hors d’atteinte pour les associations comme Fleur de Pavé, qui travaille au quotidien avec des travailleuses du sexe pour proposer du soutien administratif ainsi qu’un accès facilité aux structures médicales et sociales, pour travailler.

Dans la perspective du 14 juin prochain, jour de la grève des toutes les femmes*, et dans la logique d’un féminisme des 99%, il est nécessaire d’affirmer notre solidarité avec les travailleuses du sexe et de dénoncer la dégradation quotidienne de leurs conditions de travail, et donc d’existence.

Noémie Rentsch