Affirmer les droits des sans-papiers dans l'intérêt de tous les salarié-e-s
Affirmer les droits des sans-papiers dans l´intérêt de tous les salarié-e-s
Le Grand Conseil genevois était saisi depuis plus de deux ans dune motion de la gauche invitant le Conseil dEtat à suspendre toutes les expulsions de «sans papiers», à travailler avec le Collectif des sans-papiers genevois à une solution de régularisation collective et à intervenir pour garantir à tous les habitant-e-s du canton quel que soit leur statut ou absence de statut des conditions égales de travail, de salaire et daccès à lécole, aux soins, etc. au nom du respect des droits humains élémentaires (M 1432*)
Un texte analogue avait dailleurs été voté peu auparavant par une large majorité du Conseil municipal de la Ville, y compris quelques représentant-e-s de certains partis bourgeois.
A lépoque, la nouvelle majorité de droite appuyée sur lUDC xénophobe et nouvelle venue, nest «naturellement» pas entrée en matière sur ce texte, mais na pas osé au printemps 2002 le rejeter sans appel. Il a été renvoyé en commission avec une contre proposition, sous forme de motion émanant du «centre» (Radicaux PDC) qui se bornait à demander la régularisation des personnes concernées, au cas par cas, et «toutes les fois ou cela est possible» et à prier le gouvernement genevois de procéder aux expulsions «conformément aux dispositions légales» mais de le faire avec humanité. (M 1434) Cette deuxième motion qui ne faisait que se faire lécho local des positions officielles de la Conseillère fédérale PDC Ruth Metzler, dans un emballage «soft» de circonstance, a été adoptée en novembre dernier par la majorité du parlement genevois, qui encore une fois na pas osé rejeter la motion initiale de la gauche, mais la renvoyée à la commission de léconomie.
Consensus sans bornes?
Près dun an plus tard, la motion de la gauche a été enterrée en commission et «remplacée» par un nouveau texte présenté comme «consensuel», mais inspiré par une représentante des syndicats patronaux, auquel lessentiel des membres de la commission des libéraux aux verts et aux socialistes ont souscrit. Ce texte (M 1555) reprend pour la forme dans ses invites la demande dune régularisation au cas par cas, mais surtout innove en demandant quil soit «tenu compte ( ) des besoins de léconomie, notamment en main duvre non qualifiée venant des pays extracommunautaires.» Un appel assez clair à la réintroduction dun «statut» ad hoc qui vienne ressusciter, sous une forme renouvelée, voire aggravée, lignoble «statut du saisonnier» contre lequel nous nous sommes battus pendant des décennies. Pour le surplus, la motion appelle à la «lutte contre limmigration clandestine» à coup de sanctions pénales et de refoulements renforcés.
A cette motion, les représentant-e-s de lAlliance de Gauche en commission, dont notre camarade Rémy Pagani, nont bien entendu pas souscrit et ont déposé une contre-proposition, allant dans le sens de la régularisation collective. Lors du débat on a pu entendre les trémolos de la conseillère dEtat Martine Brunschwig-Graf plaidant pour la «nécessaire» unanimité autour de la motion officielle pour que celle-ci ait «du poids» à Berne, thème récurrent dune unanimité mythique et apolitique, quelle avait déjà mis en avant pour proclamer impossible une détermination du canton contre le paquet fiscal.
Droits et besoins des salarié-e-s dabord!
De notre côté, Rémy Pagani a plaidé pour la régularisation collective, dénoncé le danger dun nouveau sous-statut du saisonnier et plaidé en faveur de la libre circulation des personnes, assortie dun contrôle rigoureux des conditions de travail et de salaire, pour éviter le dumping salarial et brider la concurrence et les divisions entre les travailleurs-euses sur laquelle jouent les patrons. Le soussigné est intervenu pour replacer le débat sur le terrain des droits, des droits humains, mais aussi de ceux des travailleurs-euses, sur le terrain de la régularisation comme condition de lexercice de ces droits, comme reflétant lintérêt commun de tous les salarié-e-s de ce canton et pas seulement des «besoins de léconomie», centre de gravité des débats.
Au vote, les député-e-s de solidaritéS ont refusé la motion «consensuelle», en particulier pour son appel à une répression accrue de limmigration clandestine. Pour le même motif, un certain nombre de député-e-s socialistes se sont, quant à eux, abstenus. Elle a été adoptée, mais surtout, à travers un vote unanime de la gauche et des verts, et grâce à un certain absentéisme, chronique à droite, la motion alternative de nos camarades a failli être adoptée recueillant 40 voix contre 41! Un combat essentiel à poursuivre
Pierre VANEK
* Les texte des différentes motions citées dans cet article comme les débats les concernant se trouvent sur le site du Grand Conseil genevois www.geneve.ch/grandconseil