Séisme politique à Neuchâtel à l’occasion des élections fédérales

Séisme politique à Neuchâtel à l’occasion des élections fédérales

Lors des élections du 19 octobre 2003, le canton de Neuchâtel a vécu les mêmes tendances que celles qui se sont manifestées dans l’ensemble de la Suisse: croissance du vote PS et VertEs et, sur l’autre bord de l’échiquier politique, l’apparition de l’UDC, qui fait élire au Conseil national l’inspecteur de la Sûreté, Yvan Perrin (13171 voix).


La droite nationale-conservatrice et xénophobe1 avance très largement au détriment des partis radical et libéral2, bien que ces derniers aient multiplié les listes pour ratisser plus large: le parti libéral y laisse son siège…. et son groupe parlementaire au Conseil national! Blochérienne à 100%, l’UDC alignait une liste militaro-policière musclée3, qui a récupéré au passage l’électorat de l’ex-Action nationale (ripolinée en «Démocrates suisses» depuis plusieurs années), absente pour cause de décrépitude définitive de ses représentant/es dans le canton…


L’augmentation de la participation électorale – 33,96% en 1999, 49,95% en 2003 –, facilitée par l’introduction du vote par correspondance, n’a cependant pas renversé la majorité au sein de la députation neuchâteloise au Conseil national: alors qu’on les disait menacé/es, les 3 député/es sortant/es – Valérie Garbani, Didier Berberat et Fernand Cuche – sont réélu/es.


Au Conseil des Etats, le sénateur PSN Jean Studer passe au 1er tour, laissant derrière lui la radicale sortante Michèle Berger-Wildhaber (radicale) et Gisèle Ory (socialiste) avec pratiquement le même résultat, suivies par les candidats UDC, libéraux et POP. Un 2e tour est prévu pour le 9 novembre, avec une triangulaire PSN/PRD/UDC4. Solidarités, les Verts, le POP, les associations des immigrés et les syndicats apportent leur soutien à Gisèle Ory.


Pour les listes signataires de l’appel «A gauche toute», le bilan est plus mitigé: au contraire des autres listes présentes, le Parti ouvrier populaire subit un sérieux recul: 7655 suffrages contre 11795 suffrages en 1999. Recul non-compensée par la liste solidaritéS. En effet, solidaritéS recueille 2,2% des suffrages (5630 voix) contre 2,7% (4559 voix en 1999), avec une prime aux candidat/es mieux connu/es au niveau cantonal5.


Pour évaluer ces résultats, il faut tenir compte de plusieurs facteurs:

  • une partie de l’électorat de solidaritéS n’a pu participer à ces élections, en raison de sa nationalité (le droit de vote pour les immigré/es n’existant pas sur le plan fédéral);
  • l’arrivée de l’UDC et les menaces pesant sur les élu/es sortant/es de la gauche ont suscité – malgré l’existence d’un apparentement général des listes du PS, du POP, des Verts et de solidaritéS (et un sous-apparentement entre ces trois dernières formations) – une tendance au au «vote utile», dont pâtissent le POP et aussi solidaritéS – malgré une progression en suffrages et en nombre de listes6;
  • dans les trois villes (Le Locle, la Chaux-de-Fonds et Neuchâtel), solidarité enregistre une croissance de ses votes – modeste pour les deux villes du Haut, où notre mouvement n’existe pas comme organisation structurée (968 suffrages à la Chaux-de-Fonds, contre 914 en 1999; 210 suffrages au Locle, contre 206 en 1999), meilleur en ville de Neuchâtel (1899 suffrages, contre 1563 en 1999). Même constat dans le district de Boudry (région dont la population a augmenté durant la dernière décennie): notre liste recueille 1318 suffrages (889 en 1999).

Le résultat de ces élections entraînera certainement une recomposition politique: le score réalisé par les «petits chanteurs à la croix de fer» UDC poussera la droite «traditionnelle» encore plus à droite. Les vagues d’initiatives de défiscalisation lancées ces derniers mois par les libéraux-radicaux le laissait déjà prévoir. Contre les politiques d’austérité prônée par toute la droite, contre la xénophobie et le racisme que suscitera le score de l’UDC, il sera nécessaire d’organiser la résistance – comme en 1999, avec le mouvement des salarié/es de la fonction publique cantonale contre le «salaire au mérite».


Hans-Peter RENK

  1. En octobre 2001, Neuchâtel a cessé de constituer une exception historique: le seul canton sans section UDC.
  2. Les scores de Didier Burkhalter (radical, élu avec 6059 voix) et Rolf Graber (libéral-PPN, non-élus avec 5778 voix) sont largement inférieurs à ceux de leurs prédécesseurs de 1999 (Claude Frey, radical, élu avec 9176 voix, et Rémy Scheurer, libéral-PPN, élu avec 9923 voix). Ces résultats sont à relativiser, les libéraux ayant déposé deux listes, comme le PSN, et les radicaux trois!
  3. 1 inspecteur de la Sûreté, 1 instructeur militaire retraité, 1 employée du Département militaire fédéral et 2 politiciens radicaux, pour lesquels le «grand vieux parti» ne se situait plus suffisamment à droite…
  4. Le non-maintien de Gisèle Ory aurait créé une situation style «post 21-avril 2002 en France», où les électeurs et électrices de gauche auraient dû choisir entre l’abstention (ne pas voter en faveur d’une candidate bourgeoise) et une ligne de «front républicain», dont on sait qu’elle profite à l’extrême-droite.
  5. Marianne Ebel: 1809 voix; Daniel Perdrizat: 1454 voix; David L’Epée: 952 voix; Dorothée Ecklin: 718 voix; Seydi Aksin: 611 voix.
  6. Restée braqué sur la seule variation du pourcentage de voix, la presse régionale estime que «solidaritéS maigrit d’un cinquième de son poids relatif» (L’Express, 21 octobre 2003)