Helvétiquement vôtre

Helvétiquement vôtre : Un ouvrage instructif sur la Suisse de l'après-Seconde Guerre mondiale

Après un ouvrage sur l’écrivain français Maurice Blanchot, notre camarade Hadrien Buclin vient de publier sa thèse de doctorat en histoire consacrée aux intellectuels de gauche dans la Suisse d’après-guerre.

Max Frisch et Berthold Brecht à Zurich

Max Frisch en discussion avec Bertolt Brecht à Zurich en 1949

Cet ouvrage représente le « chaînon manquant » entre les études sur l’histoire sociale et ouvrière de la Suisse publiées par des historiens tels que Marc Vuilleumier, Hans-Ulrich Jost et Claude Cantini (pour ne citer qu’eux, dans le cadre romand) et les témoignages de participant·e·s aux mouvements contestataires de 1968. Plusieurs ouvrages, parus à l’occasion du 50e anniversaire de Mai 1968, avaient notamment déjà relevé les aspects extrêmement conservateurs de la société suisse.

L’ouvrage traite la problématique de l’engagement des intellectuel·le·s de gauche à l’échelle suisse, permettant donc de mieux connaître les débats de cette époque en Suisse alémanique. Il retrace l’évolution du statut des intellectuel·le·s, dans ou hors des partis, et les débats où ceux-ci furent impliqués.

En contrepoint, cet ouvrage fournit également un historique précieux du « maccarthysme » suisse (persécution des milieux non conformistes) dans les années 1950. Ce dernier n’avait rien à envier à son homologue étatsunien et le Parti socialiste, participant au gouvernement fédéral depuis 1943, y apporta sa contribution. Sont rappelés divers épisodes, comme la persécution judiciaire – à l’instigation du conseiller fédéral Eduard Von Steiger (PAB, ancêtre de l’UDC) – du journaliste Peter Surava, rédacteur au journal antifasciste Die Nation, puis au Vorwärts, organe alémanique du Parti suisse du Travail. On y trouve aussi les débats au sein de la gauche sur l’URSS, dont le Parti suisse du Travail faisait à l’époque l’apologie (position qu’il a chèrement payée après l’intervention de l’URSS en Hongrie, en novembre 1956) ou sur le colonialisme européen, pas forcément critiqué au sein du PS.

Mais, avec la détente Est-Ouest des années 1960, la critique du conservatisme suisse et la solidarité avec les mouvements sociaux du « tiers-monde » furent mieux écoutées. On notera, car ce point est souvent ignoré, le rappel du rôle joué dans la création du mouvement contre l’armement atomique de la Suisse (mai 1958) par des militant·e·s de la fort petite organisation marxiste–révolutionnaire Proletarische Aktion.

En résumé, un ouvrage à lire (et à faire lire), car il offre un retour critique sur l’histoire suisse de cette période.

Hans-Peter Renk