Soudan

l'Union européenne est complice

La déclaration de l’Union européenne exhortant «toutes les parties au Soudan à faire preuve de la plus grande retenue» à la suite de la répression meurtrière du 3 juin 2019 ne peut cacher sa responsabilité.

Un manifestant blessé par les milices du régime soudanais

Officiellement dénommées Rapid Support Forces (RSF), les milices paramilitaires du régime soudanais sont dirigées par le vice-président du Conseil de transition militaire, Mohamed Hamdan Daglo.

En plus de la dispersion dans le sang du sit-in pacifique devant le siège de l’armée à Khartoum (plus d’une centaine de mort·e·s et plusieurs centaines de blessé·e·s), des dizaines de corps ont été repêchés dans le Nil ; des exécutions sommaires, des viols, des bastonnades ont été attribués à ces milices par les révolutionnaires. Depuis lors, les RSF quadrillent la capitale soudanaise pour empêcher tout nouveau rassemblement, ouvrant le feu sans sommation. Leurs membres seraient au nombre d’environ 15 000.

Les RSF sont issus des milices arabes des Janjawid, autrices de nombreux crimes dans la région du Darfour contre les populations non arabes, avant de se développer massivement et de devenir aujourd’hui le principal instrument de répression de Khartoum. Des membres des RSF participent également à la guerre meurtrière de la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen.

Des soudards stipendiés par l’Europe

La consolidation des RSF ces dernières années a bénéficié des fonds de l’Union européenne qui avait versé plus de 200 millions d’euros entre la fin 2014 et 2017 au régime soudanais, dans le cadre d’un programme visant à empêcher les migrant·e·s africain·e·s d’atteindre les côtes européennes. Partout où les RSF ont été déployés (dans les régions rebelles du Sud-Kordofan et du Nil Bleu, mais aussi le long de la Libye où ils font office de gardes-frontières), de nombreuses exactions ont été rapportées, notamment contre les réfugié·e·s, parfois tué·e·s, parfois renvoyé·e·s de force dans leur pays d’origine. Le général Hemeti n’a pas hésité à déclarer, en avril 2018: « Nous faisons le travail à la place de l’UE ».

De plus, un centre opérationnel régional (ROCK), au sein duquel interviendront des acteurs européens, comme la France, l’Angleterre et l’Allemagne, est en cours d’installation à Khartoum. Des ressources de l’agence des frontières de l’Union européenne (FRONTEX) et de l’organisation internationale de police (Interpol) seront mises à la disposition du ROCK et des agences de sécurité africaines, y compris celles du Soudan.

Au nom de la lutte contre les migrant·e·s, traduite en une politique meurtrière de fermeture des frontières, les fonds européens ont permis de consolider et développer les capacités de répression du régime soudanais et de ses milices criminelles.

Joe Daher